Adieu madame la suce!

En tant que maman de 4 enfants, j’en ai vu de toutes les couleurs côté suce. J’ai eu des accros, des indifférents, des indécis… Mais chaque fois, la transition vers la fin de cette aventure s’est somme toute toujours bien passée. S’il n’y a pas de trucs miraculeux et infaillibles pour dire au revoir à la suce, il existe toutefois quelques règles de base qui peuvent aider à ce que cette étape se déroule harmonieusement.

Le meilleur moment
Il existe autant de « meilleurs moments » pour arrêter d’utiliser la suce qu’il existe d’enfants. L’idéal, c’est que ça vienne d’eux. Vers 6 mois, un de mes garçons s’est mis à refuser la suce. C’était fini. Il l’a utilisée tant qu’il en a eu besoin et que ça lui plaisait. Tout simplement ! Mon petit dernier pour sa part, c’est vers 14 mois que cela s’est produit. Naturellement, il a simplement cessé de la prendre. Pour mes filles, ç’a été un peu plus ardu. Vers 18 mois, la règle de la suce était qu’on ne la prenait que pour le dodo et dans l’auto. Le matin, au levé, mes filles mettaient elles-mêmes leur suce dans un joli petit panier prévu à cet effet à côté de leur lit. Elles savaient que lorsque viendrait le moment de se mettre au lit, elles l’a retrouveraient invariablement, et c’était suffisant pour les rassurer. C’est ainsi qu’elles ont accepté de mettre une petite distance entre elles et ce précieux objet. Leur enlever d’un seul coup aurait été trop difficile à supporter et je le comprenais. Ma plus vieille, vers 2 ans et demi, un soir, nous a dit qu’elle n’en voulait plus. Qu’elle était maintenant assez grande et qu’elle n’avait plus besoin de suce pour faire dodo ! Je l’ai laissée dans le petit panier à côté d’elle quelques semaines, question de lui donner l’occasion de changer d’idée si c’était ce qu’elle voulait. Elle ne l’a jamais reprise. Très peu d’enfants vont garder leur suce indéfiniment et je crois que plus on leur met de pression pour s’en débarrasser, plus ils s’accrochent et angoissent devant cette éventualité. Surtout s’il n’y a pas de retour en arrière possible !

La symbolique
Certains enfants, plus sensibles ou moins réceptifs à l’idée de mettre fin à leur histoire d’amour avec leur suce, peuvent devenir très coopératifs lorsqu’on ajoute un peu de magie à tout cela. Quand on sent que c’est le bon moment, que l’enfant a manifesté son intérêt, même s’il a un peu de réticence, on peut lui proposer d’offrir sa suce à la fée des suces. À la manière de la fée des dents, on lui laisse un soir pour retrouver à la place un petit cadeau le lendemain matin. Simple, agréable et magique ! Fait à noter : la fée des suces ne passe pas sous les oreillers… c’est le territoire de la fée des dents ! (Et ce serait trop facile pour les enfants de reprendre leur suce pendant la nuit !) Non, la fée des suces, elle, se tient plus autour des arbres, surtout les conifères. Il suffit d’accrocher la suce à un arbre avec une épingle à linge ! On raconte que certaines fées des suces donnent les vieilles suces à des enfants qui n’en ont pas…

Quand trop, c’est trop…
Pour mon autre fille, les choses ont été un peu plus difficiles. À 2 ans, elle continuait à réclamer sa suce au coucher et elle ne semblait pas prête à s’en débarrasser. Jusque-là, pas de problème ! Elle aurait pu la garder jusqu’à 3 ans et demi si c’était ce dont elle avait besoin. Le problème, c’est qu’elle les mordait tellement que les suces qu’on lui offrait en série s’abimaient extrêmement rapidement. À un moment, c’était une par semaine ! C’en était même devenu dangereux parce qu’il arrivait très souvent que la suce fende et qu’un bout menaçait carrément de se détacher ! Il fallait faire quelque chose. J’ai décidé de lui en acheter une dernière en l’avertissant bien que si elle l’abimait, elle n’en aurait pas une autre. Ce qui devait arriver arriva à peine deux jours plus tard. Le soir venu, lorsque ma fille m’a demandé sa suce, je lui ai rappelé qu’elle l’avait cassée et qu’elle n’en avait plus. Évidemment, elle a fait une grosse colère ! J’étais un peu dépassée… Je ne pouvais la lui donner, elle était dangereuse ! Et je refusais d’en acheter une autre. C’est alors que j’ai eu une idée. J’ai pris les ciseaux et j’ai coupé le bout de la suce qui menaçait de tomber. Contente d’avoir gagné, elle a arrêté de pleurer et l’a tété un peu pour ensuite me la tendre en me disant qu’elle était cassée. Je lui ai répondu que je le savais, que c’était elle qui l’avait mise dans cet état et que je n’en avais pas d’autres pour elle. Incertaine, elle s’est couchée avec sa demi-suce et s’est endormie. Le lendemain soir, la même chose s’est produite. Elle a tétouillé sa demi-suce quelques soirs d’affilés pour s’aider à s’endormir et c’est ainsi qu’elle a dit au revoir à sa suce pour de bon.

Douceur et respect
L’adieu à la suce peut être un moment intense pour un enfant qui, jusque-là, se rassurait avec cet objet en apparence anodin. Certains pourraient vous dire que vous n’auriez pas eu à gérer tout cela si vous n’aviez pas donné la suce au départ, mais vous pourriez leur répondre que votre enfant aurait fort probablement pris un autre moyen pour remplir cette fonction et que ce déchirement serait arrivé de toute façon; si ce n’est pas avec le pouce, cela aurait été avec la doudou qu’il ne peut pas amener à l’école ou autre chose encore… Un enfant a presque toujours besoin d’un objet transitionnel pour apprendre à s’autoapaiser et c’est en l’accompagnant dans tout cela qu’on prend la meilleure décision en fin de compte. Douceur, ouverture et respect du rythme de l’enfant vous aideront, peu importe la situation.

KARINE FORGET
Membre du corps professoral de La venue de la cigogne
Spécialiste en gémellité 

Par Karine Forget

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