Miroir miroir dis-moi qui tu juges?

En devenant maman, je n’avais pas réalisé que je devenais aussi une cible du regard et des jugements des autres mamans. Et aussi… 

Anecdote
Durant les vacances, mon conjoint, ma fille de 2 ans et moi avons séjourné dans une magnifique petite auberge en bois rond dans la région de l’Outaouais. Petit paradis de plein air, motoneige, rando, cocooning, spa, jeux de société et feu de foyer dans la grande salle commune. Nous nous sentions chez nous, mais ailleurs! Il y avait quelques familles avec de jeunes enfants, alors ma fille pouvait s’amuser avec eux à l’occasion, tout se passait bien. Entre mamans, nous nous échangions des regards approbateurs au loin du genre «Je surveille ton enfant qui joue avec le mien, tout est OK!».

Puis un soir, un couple d’amis est venu souper avec nous. Yé! Nous avions prévu manger relativement tôt pour ne pas que la petite s’impatiente et pour réduire les risques de déranger les autres autour de nous. L’auberge était la propriété d’un couple d’origine française, les repas étaient de la fine cuisine tout à fait délicieuse et l’ambiance était tout de même un peu fancy

Le souper se déroule bien. Nous sommes heureux d’avoir un souper avec des amis, car depuis que la petite est née, notre «social» est un peu faible, je dirais presque nul! 

Bon, notre fille a terminé de manger et commence à grouiller dans sa chaise haute, on s’occupe d’elle, on rit, un petit morceau de pain de plus, un livre, un peu de jeux avec maman dans la salle commune de l’auberge, puis un peu de course avec papa, encore le livre, un autre morceau de pain… nous sommes à court d’idées, son heure habituelle de dodo approche et elle perd patience. Le restaurant se remplit. Bon. Je sors mon iPhone. Je lui mets des comptines LBB sur YouTube et la magie opère… plus un mot. Elle est obnubilée, hypnotisée, indérangeable. Notre fille est devenue une statue de pierre devant ces bonshommes qui défilent. OK, je me sens un peu mère indigne, mais je me dis que de temps en temps, on a le droit, puis dans un beau resto avec mon chum et mes amis en paix, on a le droit, right? Je suis OK avec ma décision et nous continuons le souper! 

Puis un petit ami se joint à elle à la table pour regarder les comptines. «Allo!» Je regarde sa mère au loin et lui fait le même petit regard amical «I got this, ton fils est le bienvenu». Puis, la mère marche vers nous, je lui fais un grand sourire et elle dit fermement à son fils «Tu sais qu’il est FORMELLEMENT interdit de regarder toutes formes d’émissions ou jouer avec des téléphones, viens ici immédiatement», tout en prenant son fils et quittant notre table sans un mot en notre direction. 

BOOM! 
J’ai eu l’impression d’être frappée en plein visage et que les secondes qui suivirent étaient au ralenti… Qu’est-ce qui venait de se passer? Mon chum et les amis qui disent «Ben voyons, elle exagère, on se calme le pompon» tout en continuant à rire, mais moi j’étais tout simplement absente mentalement. J’étais en train de me juger comme la pire des mères du monde de laisser mon enfant regarder des bonshommes sur mon cellulaire. Je n’entendais plus rien. Je ne voyais plus rien. J’étais à l’intérieur de moi. J’ai pris ma fille et suis allée jouer dans la salle avec elle, puis ai simulé un changement de couche à notre chambre, pour m’éclipser un peu. Le reste du souper fut «so so» de mon point de vue du moins, puis j’essayais de rationaliser. C’était la honte qui prenait le dessus. J’exagère à peine!

«Pourquoi suis-je encore fragile devant les choix d’éducation des autres mamans? Pourquoi suis-je encore aussi faible dans mes propres décisions? Pourquoi est-ce si difficile de m’assumer?» Je me jugeais fortement. 

Puis je me suis souvenue qu’un jour, une mentore m’avait enseigné que nous nous attirions toujours une situation pour nous faire voir qui nous sommes vraiment. Que les autres nous servent de miroir pour apprendre à se voir soi-même. «Apprendre à se connaître et s’aimer est la clé de la paix intérieure.» Donc, si tu te juges à la base de laisser ton enfant utiliser ton cellulaire, quelqu’un viendra te mettre en plein visage une situation similaire pour te faire voir ton propre jugement face à toi-même (et donc envers les autres qui feraient la même chose). «C’est toujours plus facile de juger les autres que de se regarder soi-même faire le même geste!» Moi? Juger? Nooonnnn… je ne crois pas…! Voyons donc!

Vous me suivez?
Puis quelques semaines plus tard, nous avons fait garder la petite pour aller manger dans un beau restaurant de style Steak House. À côté de notre table, deux couples avec deux enfants de l’âge de notre fille. Je me plaisais à les regarder et faire des «coucous» aux petits, toujours avec des regards doux vers les parents lorsqu’ils me regardaient, vous savez ce que je veux dire… On fait toutes ça! 

Puis le petit garçon a commencé à s’impatienter. Après plusieurs morceaux de pain et des «guili guili», la mère l’a enlevé de sa chaise haute. Oh? Elle l’a laissé jouer par terre sur le tapis puis laissé aller dans les deux escaliers qui menaient à notre palier du resto. Les serveurs ont quelques fois failli tomber en le voyant à la dernière minute. Ils devaient se conscientiser pour ne pas oublier qu’il y avait un enfant au milieu des escaliers. Les minutes passaient, le petit jouait encore, encore, encore… En plein milieu, encore… Le restaurant était plein à craquer. Je n’arrivais plus à me concentrer sur mon propre souper. Je ne faisais que surveiller le petit et les serveurs qui le contournaient, et les parents riaient et s’amusaient. Et puis… Ce qui devait arriver arriva: j’ai dévisagé la mère du petit avec un regard beaucoup trop long! Ce regard qui disait «Non, mais vas tu finir par le ramasser, ton petit? C’est inacceptable comme comportement!»

Puis j’ai compris.

NATHALIE LAUZON
Photographe et auteure

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Par Nathalie Lauzon

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