La séparation de l'enfant d'avec son parent, un stress toxique

Au début de l’été, la presse a dévoilé une mesure terrible qui a été prise par ­Donald ­Trump pour contrer l’immigration illégale à la frontière américaine : séparer les enfants de leurs parents. Pour un parent, envisager une séparation d’avec son enfant, c’est de loin le mur invisible le plus étanche qui se soit construit entre les ­États-Unis et le ­Mexique. C’est une arme insidieuse, puisqu’un parent qui se déracine pour de meilleures conditions de vie le fait dans l’espoir d’offrir un avenir meilleur à son enfant. Jamais il ne s’attend à ce qu’un traumatisme de séparation puisse changer le cours du développement de son enfant. Pourtant !

En fait, hormis l’impact politique, cette séparation est un stress toxique vécu par l’enfant et les parents qui, selon les spécialistes, peut mener du trauma à des changements biologiques. Voyons en détail le traumatisme de séparation.

Le bébé se construit dans le ventre de sa mère, il y ressent les émotions maternelles et les intègre comme ses premiers apprentissages de vie. Un jour, il pourra distinguer ses propres émotions de celles de ses donneurs de soins, mais c’est un processus de différenciation qui s’étale sur plusieurs années. Pour l’instant, durant la vie in utero, ressentir les émotions de sa mère demeure sa manière de comprendre le monde qui l’entoure, d’appréhender les événements futurs.

Des études animales montrent que le fœtus de la truie fait des apprentissages mémorisés qui peuvent être mesurés une fois qu’il naît. Ainsi, le porcelet fait un lien entre ce qu’il a perçu par ses sens, comme une voix humaine masculine de basse fréquence, et l’émotion que sa mère a alors ressentie, telle que la peur ou la confiance. Il mémorise cette association ­voix-peur ou ­voix-confiance, pour s’en servir comme repère face à l’environnement extérieur.

Ce processus existe aussi chez le fœtus humain. La voix du partenaire, qu’il aura entendue durant la période prénatale et qui est souvent associée à des émotions positives chez la mère, rassurera le ­nouveau-né et lui donnera un sentiment de quiétude. Une fois à l’extérieur de l’utérus, il pourra donc s’abandonner aux bons soins de cette personne à la voix apaisante. En fait, le partenaire devient, par ce mécanisme d’apprentissage, un pilier dans la composition que le fœtus se fait de l’environnement extérieur. Nous pouvons donc dire que le bébé naissant reconnaît déjà ses points d’ancrage.

Parents tampons
Durant le développement, cet ancrage est primordial. L’enfant a besoin de ses parents, afin d’apprendre par imitation à gérer son stress adéquatement. Mieux encore, les études montrent que le bambin accompagné de son parent ne ressent pas les effets néfastes d’un stress toxique. C’­est-à-dire que c’est son parent qui « prend le coup », ­pourrions-nous dire ! ­En somme, les parents ne sont pas seulement un modèle à imiter, mais aussi un tampon face aux événements stressants. Ils absorbent tout simplement le choc pour l’enfant.

Prenons le taux de cortisol dans le sang, qui est la manifestation hormonale la plus utilisée afin de mesurer la présence du stress dans l’organisme. Le cortisol est un corticostéroïde qui permet au corps de répondre adéquatement en présence de stress se prolongeant ­au-delà de quelques minutes. Par exemple, si un ours se retrouve sur notre chemin, cette hormone prédisposera le corps à courir assez longtemps pour que nous puissions nous mettre à l’abri. C’est peu dire, puisque le cortisol et les autres hormones de stress modifient le corps en vraie machine de guerre, prête à toutes éventualités. Cela dit, les études montrent qu’un enfant qui est avec son parent ne sécrète que très peu, voire pas du tout, d’hormone de stress, tandis que son parent, lui, gère l’évènement. Et l’enfant se sent d’autant plus en sécurité que son parent gère aisément les événements stressants.

Par contre, dans nos modes de vie, l’ours est rarement l’événement auquel nous devons faire face. Malgré cela, le corps réagit sensiblement de la même manière à toute menace, soit en envoyant l’énergie nécessaire au combat ou à la fuite. Voici d’ailleurs le potentiel toxique. Si nous parlons de toxicité, c’est que trop souvent cette énergie n’est pas utilisée et elle devient néfaste. Bien que certains se défoulent dans le sport, plusieurs restent sous l’emprise des hormones. Heureusement, instinctivement, nous disposons d’autres solutions pour réduire l’impact des hormones sur notre corps. Nous transformons tout simplement notre perception. En jargon psychologique, nous parlons ici de coping.

Qu’est-ce que le coping ?
Le coping est en quelque sorte notre plan d’action bâti inconsciemment pour nous adapter au stress. Il inclut les mécanismes de défense et les émotions ressenties. Certaines personnes sont meilleures que d’autres pour « coper », pour ramener en fait ces réactions physiologiques et hormonales à leur état psychologique face à la réalité. Cette capacité à « coper » fait donc de nous des êtres plus ou moins résistants au stress toxique. Ainsi, un parent qui « cope » adéquatement est un bon tampon pour son enfant, puisque le sentiment de sécurité ressenti par l’enfant permet une moindre sécrétion d’hormones de stress.

Mais, pourquoi vouloir réduire la sécrétion de ces hormones si puissantes ? Le problème, c’est qu’elles peuvent provoquer des changements qui, à long terme, affectent la biologie du corps. Qui dit biologie dit changements profonds. Nous parlons donc de traumatisme de séparation lorsque le « système de survie » est enclenché et reste pris dans une boucle de laquelle on n’arrive plus à se sortir. Ainsi, le corps reste continuellement en alerte, ce qui affecte la santé des organes, tels que les intestins ou le cerveau, tout autant que les circuits neuronaux et la psychologie de l’enfant. On parle alors de symptômes extériorisés comme la dépression, l’anxiété et des difficultés d’attachement.

De plus, chez un enfant séparé de son parent, on ne peut pas prévoir le temps ou l’intensité nécessaire pour causer le trauma qui conduira à ces changements biologiques. Tout dépend de l’âge, de la génétique, du timing de l’événement, etc. Même si un enfant de 12 ans est plus apte à « coper« par ­lui-même, l’intensité de la pression et le temps d’exposition risquent néanmoins d’affecter son développement.

Malheureusement, ce n’est pas uniquement les frontières à traverser qui induisent un trauma de séparation. Les experts soulignent que tous les types de séparation peuvent avoir des effets traumatiques sur le développement de l’enfant. Pourtant, ces effets ne sont pas toujours contigus aux événements. Ainsi, des études montrent que l’on perçoit, même après un an, dans les interactions de la mère avec son enfant, les effets de leur séparation lors des deux premières heures de vie ­extra-utérine. Voilà une raison valable pour applaudir les hôpitaux qui permettent au ­nouveau-né et au partenaire d’accompagner la mère en salle de réveil lors d’une césarienne. Favoriser dès la naissance le contact peau à peau et yeux à yeux entre la mère et le bébé, c’est une manière de forger des liens d’attachement positifs qui serviront de base aux relations futures. Pareillement, permettre au partenaire d’être présent lors de cette rencontre, c’est un geste tout aussi primordial pour soutenir les familles dans leur réunion.

Et puisqu’on parle de réunion, souhaitons que la résilience soit une qualité chez tous les enfants qui ont fait face ou qui font face à une séparation d’avec leurs parents, puisque c’est une aptitude considérable qui pourra changer positivement le cours des choses, jusqu’au moment espéré, soit que la famille soit de nouveau réunie.

MYLÈNE LAPIERRE, B.A.
Naturopathe en périnatalité
La source en soi

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Mylène Lapierre est consultante en maternité et paternité, accompagnante à la naissance et formatrice pour la méthode Bonapace pour La source en soi. Elle est également candidate à la maîtrise en psychologie à l’Université de Montréal, dans l’équipe de la Dre Suzanne King, de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas.

Par ­Mylène ­Lapierre

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