Le jeu: étape essentielle de l’apprentissage chez les enfants

Qu’il s’agisse d’un jeu de société, d’association ou d’un jeu de rôle, le jeu traditionnel avec cartes, planche de jeu et pions est gagnant pour mettre les enfants en situation et les aider à décider, à réfléchir et à s’engager concrètement au lieu de demeurer passifs devant un écran.

On n’apprend pas aux enfants à jouer : c’est plutôt le jeu qui est pour eux une source d’apprentissage riche et variée qu’aucun parent ne devrait négliger. Même les adultes apprennent en jouant. On n’a qu’à songer aux jeux de mots et aux nombreux ­jeux-questionnaires qui sont proposés à la clientèle adulte pour s’en convaincre. Or, encore aujourd’hui, le jeu continue d’être perçu comme le dernier maillon de l’agenda chargé de nos enfants. On sort les jeux quand il n’y a plus autre chose à faire, quand la liste des activités est épuisée ou quand nos jeunes ont besoin d’une récompense après avoir fait un bel effort. Et si le jeu, au lieu d’être constamment en opposition avec l’effort, pouvait l’inclure et devenir un véritable outil pour développer ses aptitudes, grandir et acquérir des facultés essentielles dans notre société ? ­Les jeux traditionnels qui font appel aux connaissances en vocabulaire, à la socialisation et à la réflexion permettent réellement aux jeunes d’acquérir des compétences que les matières scolaires ne leur transmettent pas nécessairement… et ils forment un mariage réussi entre effort de l’intellect et plaisir !

Jouer, c’est la liberté !
Pour les enfants du ­XXIe siècle, la vie est bien différente de celle des petits des générations précédentes. Habitués aux « activités » dès la petite enfance, ils ont découvert le jeu dans un cadre structuré, où le temps est rigoureusement compté et meublé par des choses à faire. À l’inverse, avec le jeu traditionnel, le temps peut suspendre son vol. L’enfant est appelé à lire ­lui-même les règles, à les comprendre, à décider quel pion utiliser, quelle carte choisir ou quelles solutions adopter pour gagner ; son libre arbitre commence à s’installer. C’est lui qui choisit, qui met sur pied une stratégie et qui décide quand la partie commence… et quand elle finit. Cette liberté est précieuse, car elle permet à l’enfant d’apprendre à s’affirmer et à ne pas laisser toujours entre les mains de l’adulte le soin d’organiser, d’encadrer et de superviser.

Pour le développement des cinq gestes mentaux
Selon les experts en pédagogie, un jeu bien conçu permet d’éveiller des facultés qui portent le nom de « gestes mentaux », et qui sont au nombre de cinq, soit l’attention, la compréhension, la mémorisation, la réflexion et l’imagination. Avec un jeu d’association à l’aide de cartes, par exemple, c’est l’attention et la mémorisation qui sont sollicitées. Un jeu de mots ou de devinettes ? ­On fait appel à l’imagination. Quand il est question de jouer en équipe ou de mettre en place une stratégie, les joueurs mettent à contribution leur réflexion et leur compréhension des choses. Tout cela en s’amusant, sans contrainte et sans écran.

Jouer à l’école
Le jeu entre tranquillement dans les salles de classe, et de plus en plus d’enseignants prennent conscience de son pouvoir de motivation et de son attrait pour faciliter l’acquisition de connaissances. Les jeux de mots et de vocabulaire, par exemple, lancent aux jeunes des défis excitants, tout en stimulant leurs capacités cognitives et leur créativité. Plusieurs éditeurs québécois offrent d’ailleurs des programmes d’acquisition de jeux destinés aux écoles. De plus, beaucoup de jeux de société traditionnels permettent de peaufiner les connaissances des jeunes en lecture, en calcul, ainsi de suite…

Jouer avec les enfants ? Oui, mais…
Les enfants peuvent apprendre par le jeu de deux façons : par le jeu libre et par le jeu dirigé. En tant que parents, nous avons le devoir de trouver un peu de temps pour jouer avec notre enfant. Quand il est jeune, c’est le moment pour lui de montrer à papa ou maman qu’il est grand, qu’il est capable et qu’il peut gagner. Ne manquez pas de le féliciter ! ­Il faut toutefois éviter d’imposer des règles, de trop encadrer et d’organiser pour lui les séances de jeu : votre enfant participe sans doute à des activités structurées toute la semaine, au ­CPE ou ailleurs. Profitez des précieux moments que vous avez avec lui pour favoriser le jeu libre – autodirigé et uniquement dicté par la motivation de votre enfant, il peut transformer la planche de jeu en planète, les pions en vaisseaux spatiaux ou en soldats, et être tout, sauf encadré. ­Rassurez-vous : ce n’est pas une perte de temps. En effet, des études ont démontré que le jeu libre – notamment le jeu de simulation, c’­est-à-dire celui qui consiste à « faire semblant » – serait particulièrement bénéfique pour le développement des compétences sociales et d’autoréglementation. Conclusion : les jeux encadrés et structurés, c’est bien, mais jouer pour que tout le monde puisse lâcher son fou, sans obligation de suivre toutes les règles à la lettre, c’est aussi grandement salutaire. ­Amusez-vous bien !

« Avec le jeu traditionnel, le temps peut suspendre son vol. L’enfant est appelé à lire lui-même les règles, à les comprendre, à décider quel pion utiliser, quelle carte choisir ou quelles solutions adopter pour gagner; son libre arbitre commence à s’installer. »


Quand le jeu façonne le cerveau

Jouer librement est essentiel au développement cognitif et social. Selon les experts, le jeu contribue à façonner le cerveau de six façons.

  • Capacités de coopération. Aider un joueur de son équipe, donner des indices, gagner ensemble : les enfants qui ne jouent pas assez risquent de devenir plus solitaires, plus marginaux, et d’avoir de la difficulté à socialiser.
  • Neurogenèse. Neuro… quoi ? ­La neurogenèse, ou croissance des cellules nerveuses, est stimulée par le jeu chez les souris de laboratoire. Lorsque ­celles-ci jouent, les cellules de certaines portions de leur cerveau produisent des protéines qui stimulent la croissance des neurones.
  • Pensée contrefactuelle. Le jeu aide les enfants à formuler des hypothèses, à y réfléchir et à préparer des « plans B ».
  • Langage. Chez les ­tout-petits, les jeux de société, les jeux de mots et les jeux d’association contribuent au développement du langage.
  • Résolution de problèmes. Imagination, créativité, capacité à trouver des solutions innovantes : les jeux où il faut bâtir, atteindre un objectif ou relever un défi mettent toutes ces compétences à contribution et stimulent la persévérance.
  • Maîtrise de soi. Perdre ou gagner, se mesurer à un adversaire, savoir « bluffer » et cacher son jeu : en plus d’aiguiser aussi leurs talents pour la négociation, le jeu aide les enfants à mieux gérer leurs émotions.

­ANDRÉE-ANNE C. TÉTREALUT
Ludik-Québec

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Par Andrée-Anne C. Tétreault

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