Pourquoi certains enfants sont-ils plus anxieux que d'autres?

Imaginons deux poupons qui jouent avec des blocs, côte à côte, à la garderie. Arrive alors un étranger qui vient parler à leur éducatrice. Le détecteur de danger de la petite ­Victoria n’émet qu’un faible signal d’alerte : elle lève les yeux, observe le monsieur et tourne légèrement la tête lorsque ­celui-ci s’approche pour lui parler. Chez ­Samuel, toutefois, le système d’alarme se déclenche de façon très intense. Il écarquille les yeux et arrête de jouer. Son petit cœur bat la chamade et, quand le monsieur s’approche de lui, il se met à hurler... Pourquoi ces deux ­enfants ­réagissent-ils aussi différemment ?

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans le développement de la personnalité, mais nous pouvons diviser ces facteurs en trois grandes catégories : l’enfant ­lui-même, les parents et l’environnement. Appelons cela la « règle des trois tiers », puisque chacun de ces facteurs ­contribue pour environ un tiers au développement de la personnalité de l’enfant.

« La façon dont les parents offriront à l’enfant des défis à sa mesure, en évitant de le surprotéger et de tout faire pour lui, contribuera aussi au développement de sa résilience, de sa confiance en lui-même et en son environnement, ainsi que de sa force de caractère.»

1- L’enfant… le « kit de base »
Il est question ici de ce qui caractérise l’enfant à sa naissance : son tempérament inné et son bagage génétique, hérité de ses parents.

Le tempérament
Selon les écrits scientifiques, le tempérament dit « inhibé » est celui qui est le plus associé à la présence d’anxiété. Les enfants ayant ce type de tempérament sont décrits comme étant ­timides, réservés et plutôt passifs. Ils sont également plus tendus et plus vigilants par rapport à la nouveauté, ils explorent moins et sont moins enclins à s’éloigner de l’adulte ou à prendre des risques.

La génétique

Très souvent, lorsqu’un enfant est anxieux, au moins un des deux parents l’est également ou l’a été dans son enfance. En effet, plusieurs recherches tendent à démontrer que l’anxiété peut se transmettre en partie par la génétique.

2- Les parents
Les parents, bien qu’ils ne soient pas les seuls responsables de ce que l’enfant devient, jouent évidemment un rôle important dans le développement de sa personnalité. Certains facteurs ont donc un impact, positif ou négatif, sur la présence d’anxiété chez les enfants : le type d’autorité et d’encadrement parental, le modèle proposé, les réactions des parents aux peurs des enfants et le type d’attachement (c’­est-à-dire la qualité du lien ­parent-enfant).

L’autorité et l’encadrement parental
L’établissement d’un encadrement chaleureux et rassurant avec des attentes claires et une ­discipline alliant fermeté et bienveillance sont des éléments importants afin de nourrir la sécurité affective de l’enfant. Également, la façon dont les parents offriront à l’enfant des défis à sa mesure, en évitant de le surprotéger et de tout faire pour lui, contribuera aussi au ­développement de sa résilience, de sa confiance en ­lui-même et en son environnement, ainsi que de sa force de caractère. Cependant, certains styles parentaux sont plus susceptibles de générer du stress et de l’anxiété chez les enfants : 

• La surprotection et la tendance à tout faire à la place de l’enfant.
• L’intervention réactive et imprévisible, les cris, l’abus de mesures punitives et les ­critiques répétées.
• L’instabilité, le manque de constance et de cohérence.
• L’attitude du « parent hélicoptère » qui est toujours derrière l’enfant pour lui dicter sa conduite ou pour relever chacune de ses erreurs.

Le modèle
Les enfants évaluent souvent le risque que représente une situation en observant la réaction de leurs parents. Évidemment, si l’enfant voit maman hurler dès qu’elle aperçoit une araignée, le risque est grand qu’il se mette également à craindre ces petites bestioles. De la même ­manière, l’enfant qui est en contact avec des parents perfectionnistes risque de comprendre qu’il se doit aussi d’être irréprochable ou performant, et ce, même si ses parents ne le lui ­demandent pas.

La réaction par rapport à l’anxiété
Même avec les meilleures intentions du monde, il arrive parfois que les parents adoptent des attitudes ou des stratégies d’intervention qui peuvent contribuer au développement et au ­maintien de l’anxiété de l’enfant. Par exemple, surprotéger l’enfant risque fort de lui inculquer la croyance que le monde est hostile et dangereux, tandis qu’à l’inverse, une absence de ­protection appropriée peut également s’avérer anxiogène pour un ­tout-petit.

La qualité du lien parent-enfant
De nombreux ouvrages ont établi une corrélation entre le type d’attachement que l’enfant ­entretient avec ses parents dès son plus jeune âge et la sécurité affective de ­celui-ci. Un lien d’attachement sécurisant et affectueux, mais qui permet aussi à l’enfant de développer son indépendance, est généralement source d’épanouissement.

3- L’environnement et les évènements de vie
Ce que vit l’enfant au fil des années, son environnement physique ainsi que les autres ­personnes qu’il côtoie influenceront également le développement de sa personnalité.

L’environnement
Le milieu de vie de l’enfant, sa maison, son quartier, la garderie qu’il fréquente, les éducatrices et les copains avec qui il passera ses journées et même les jouets avec lesquels il s’amusera auront également une influence sur son niveau de stress et d’anxiété. Par exemple, l’enfant qui évolue dans un environnement très bruyant ou très stimulant verra plus fréquemment son ­détecteur de danger s’allumer. De même, de trop fréquents changements dans les routines et dans l’environnement, la multiplication des figures d’autorité ou l’exposition régulière à des scènes de violence (à la télévision, par exemple) seront également anxiogènes pour le ­tout-petit, qui a plutôt grandement besoin que sa vie soit calme, prévisible et routinière.

Traumatismes et évènements de vie
Certains traumatismes ou évènements de vie peuvent aussi augmenter la sensibilité des ­enfants à l’anxiété. Pensons par exemple à une séparation, à un accident, à la maladie ou à un traumatisme spécifique (comme être mordu par un chien). Ces situations laisseront des ­empreintes dans la mémoire émotionnelle de l’enfant et pourront faire en sorte que les ­mécanismes de défense se déclencheront plus facilement par la suite.

En terminant, il va de soi que la présence de facteurs de risque ne garantit pas la présence d’anxiété chez les enfants. La vulnérabilité à l’anxiété est plutôt le résultat de l’interaction de plusieurs facteurs.


10 stratégies pour aider son enfant à mieux gérer son anxiété

1. Diminuez les sources de stress dans le quotidien de l’enfant.

2. Accueillez les émotions de l’enfant, sans dramatiser et sans le surprotéger. Les ­émotions négatives sont normales.

3. Récompensez l’enfant pour ses bons comportements d’adaptation. N’hésitez pas à le féliciter pour son comportement « courageux » et pour ses succès, même partiels. Il faut mettre l’accent sur les efforts que fait l’enfant pour confronter et gérer ses inquiétudes.

4. Apprenez-lui très tôt à lâcher prise par rapport aux éléments sur lesquels il n’a pas de pouvoir et à dédramatiser : « ­Ce n’est pas grave de se tromper », « C’est normal d’avoir peur », « ­Essaie, ce n’est pas grave si ça ne marche pas », « ­Oh non ! ­Ton verre est tombé. Ce n’est pas grave, on va ramasser le dégât ».

5. Attention à ne pas favoriser l’évitement de la situation anxiogène chez l’enfant. Visez plutôt à renforcer l’exposition de l’enfant à ­celle-ci, de façon graduelle et en respectant son rythme. Donnez à l’enfant des occasions de surmonter ses craintes en renforçant son exposition à ce qui lui fait peur et en lui permettant de vivre de petites victoires.

6. Enseignez à l’enfant à se répéter une phrase positive qui l’aidera à surmonter sa crainte : « ­Je sais que je peux y arriver », « ­Je suis courageux, je peux y aller, même si j’ai un peu peur ».

7. Utilisez l’imaginaire de l’enfant et le jeu pour l’aider à gérer son anxiété. Par exemple, vous pouvez faire des jeux où l’enfant est un superhéros qui a des pouvoirs magiques lui permettant de vaincre ses peurs. Vous pouvez lui enseigner à s’imaginer qu’il se trouve dans un endroit agréable, relaxant, un endroit où il se sent en sécurité.

8. Aidez l’enfant à se changer les idées. Les distractions peuvent aider à diminuer l’anxiété de façon temporaire.

9. Aidez l’enfant à avoir une bonne santé physique et des routines saines. Veillez à ce qu’il ait une alimentation équilibrée, de bonnes habitudes de sommeil et une bonne ­condition physique grâce à l’exercice. Prévoyez du temps pour les loisirs et la relaxation.

10. Utilisez l’humour (blagues, films drôles, etc.) pour aider l’enfant à rire et à éprouver moins de détresse dans les moments d’anxiété.


Nancy ­Doyon et ­Suzie-Chiasson ­Renaud
Extrait de Pleurs, crises et opposition chez les tout-petits... et si c’était de l’anxiété ?

Éditions Midi Trente, 2018
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NANCY DOYON
Éducatrice spécialisée, coach familial, conférencière et chroniqueuse SOS Nancy

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SUZIE CHIASSON-RENAUD
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Psychoéducatrice

Suzie Chiasson-Renaud est psychoéducatrice diplômée de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Son projet de maîtrise l’a amenée à s’intéresser à l’anxiété chez les enfants de 0 à 5 ans. Également formée comme coach familial, elle a œuvré auprès des familles et dans les CPE. Elle travaille actuellement en milieu scolaire.

 

Par Nancy Doyon et Suzie Chiasson-Renaud

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