Jouons sur le bedon!

Le développement de l’enfant est un sujet d’actualité. De plus en plus de parents s’y intéressent, et différentes approches ont vu le jour ces dernières années pour stimuler un développement harmonieux. Selon Dugas et Mathieu (2012), «le mouvement est le premier langage de l’enfant. Une orientation précoce vers les habiletés motrices de base est essentielle, car elles forment les premières composantes du savoir-faire physique». Le mouvement, c’est la vie! Pour développer une motricité adéquate, les bases acquises sur le ventre sont essentielles.

Depuis le début des années 1990, Santé Canada et la Société canadienne de pédiatrie recommandent la position «  dodo sur le dos  » chez les nouveau-nés et les nourrissons jusqu’à ce que ces derniers puissent se retourner eux-mêmes du dos au ventre et du ventre au dos et ainsi avoir un sommeil sécuritaire. Selon Caroline Lamothe (2012), depuis le début de cette campagne lancée en 1993, on a observé un changement de pratique concernant le positionnement des nouveau-nés pour dormir. Peu de temps après, les cliniciens ont noté une augmentation des retards de développement et se sont questionnés sur les causes. Un addenda à la campagne «  ­Dodo sur le dos  » a été ajouté, conseillant de positionner les enfants sur le ventre lorsqu’ils sont éveillés. Cependant, plusieurs études ont souligné le fait que les parents positionnaient peu leur enfant sur le ventre lorsque celui-ci était éveillé. Différentes raisons poussaient ces parents à ne pas respecter cette recommandation, notamment la peur du syndrome de mort subite du nourrisson ou encore le fait que le nouveau-né ne tolérait pas cette position.

Nous ne le répèterons jamais assez  : «  ­Dodo sur le dos, éveil sur le ventre  !  » Comme le bébé passe plusieurs heures en position couchée sur le dos durant son sommeil, il devient important de le stimuler dans différentes positions lors des périodes d’éveil afin de favoriser un bon développement et d’éviter certaines dysfonctions.

La position sur le ventre devient donc la position la plus importante pour le nourrisson, et ce pour différentes raisons. Stimuler le bébé en position sur le ventre permet : 
• De prévenir la plagiocéphalie (tête plate) ;
• De développer les muscles extenseurs de la tête et du cou et ainsi d’acquérir dès l’âge de 4 mois un bon port de tête contre la gravité ;
• De contribuer au développement des courbures vertébrales (un dos en santé…) ;
• De favoriser une meilleure mobilité du bassin et des membres inférieurs ;
• D’augmenter la force et la stabilité au niveau du thorax et des épaules afin d’avoir une bonne posture (assis et debout).

De plus, la position sur le ventre a un rôle à jouer sur le développement sensorimoteur à moyen et long terme : 
• Vers l’âge de 5 mois, quand bébé se place en appui sur ses mains avec ses bras en extension, la position favorise le développement des arches de la main, ce qui prépare la musculature pour réaliser des activités complexes, comme l’écriture ;
• Sur le ventre, bébé développe son système visuel et vestibulaire, car la position exige une adaptation pour garder l’horizontalité du regard ;
• C’est la position sur le ventre qui prépare aux prochaines étapes  : ramper, pivoter, développer la transition vers la position assise et, par la suite, marcher à quatre pattes ;
• Sur le ventre, les muscles abdominaux sont en position d’allongement, ce qui permettra de les activer et de développer force et stabilité au tronc.

Finalement, la position sur le ventre est aussi bénéfique en ce qui concerne la santé : 
• Par la mise en tension du diaphragme thoracique, la position sur le ventre peut aider le nourrisson à avoir une meilleure respiration ;
• L’estomac se trouve dans une meilleure position par rapport à l’œsophage, créant ainsi une barrière antireflux naturelle ;
• L’appui au niveau de l’abdomen réduit la pression abdominale et exerce «  un massage  » du bedon, très utile quand bébé est en période de coliques ;
• Pour ce qui est des intestins, avec l’allongement de la musculature de la hanche, la position sur le ventre aide au relâchement des deux petites valves (­iléo-cæcale et sigmoïde), et le transit intestinal est ainsi amélioré.

Voici comment bien stimuler votre nourrisson en période d’éveil et sous supervision constante, et ce dès l’âge de 4 semaines : 
• Débutez par la position ventrale en peau à peau sur le ventre de maman et de papa, laissez bébé profiter de la méthode dite «  kangourou  » et se familiariser avec cette nouvelle position ;
• Par la suite, placez votre bébé en position ventrale 10 à 15 fois / jour, une minute à la fois, en le roulant doucement du dos au ventre, après chaque changement de couche par exemple ;
• Augmentez la durée de la stimulation en ventral selon l’âge et la tolérance du bébé  ; à 1 mois, on le place sur le ventre 1 minute, à 3 mois, ce sera 3 minutes… ;
• Assurez-vous que votre enfant a la capacité de relever sa tête dans l’axe contre la gravité, et de plus en plus haut sans hyperextension du cou ;
• Stimulez la rotation droite et gauche de la tête lorsque bébé est sur le ventre et assurez-vous qu’il a une mobilité ample et symétrique de la région cervicale ;
• Aidez votre bébé à placer ses bras devant lui avec un rouleau ou une serviette roulée sous son thorax ;
• Placez les jouets devant lui et sur les côtés ;
• Si bébé soulève le bassin, placez votre main sur son bassin et faites un petit mouvement de vibration «  brasser les fesses  » du bébé pour l’aider à déposer le bassin et à soulever davantage sa tête ;
• Surveillez les signes de fatigue en position ventrale et changez le bébé de position pour éviter l’appréhension future ;
• Jouez avec votre enfant en position ventrale et rendez la position intéressante pour lui. Demandez au grand frère ou à la grande sœur de participer.

Les bienfaits de l’ostéopathie
Si votre enfant a de la difficulté à réaliser certains mouvements qui l’empêchent d’être à l’aise en position ventrale, n’hésitez pas à consulter un professionnel de la santé  : médecin, physiothérapeute ou ostéopathe. En ostéopathie, la posture et la mobilité globale de l’enfant peuvent être évaluées pour chercher la cause à l’origine de cette difficulté. L’objectif de l’ostéopathe est de remettre en mouvement les structures du corps qui le requièrent et ainsi de permettre la fonction. Si bébé n’est pas heureux sur le ventre, c’est peut-être seulement parce qu’il a de la difficulté à réaliser certains mouvements, qu’il ressent une tension qui rend cette position difficile ou inconfortable. Si les tensions ou les blocages sont résolus rapidement, l’enfant pourra exécuter le mouvement facilement.

Chez le nouveau-né, un bon positionnement et une stimulation adéquate auront un impact favorable sur le reste de son développement. Les bébés qui sont bien stimulés en position ventrale ont un développement moteur plus harmonieux et des habiletés motrices qui pourront être utiles toute leur vie.

PASCALE-JULIE ROBINSON, D.O.,
E​​​​​
est ostéopathe clinicienne spécialisée en pédiatrie chez Clinique Inspiration à Laval depuis 15 ans. Elle enseigne en ostéopathie au Québec, en France, en Allemagne et en Pologne, et le développement moteur de l’enfant l’intéresse beaucoup. Elle aborde donc l’enfant par le mouvement pour lui permettre d’exprimer toutes ses capacités.

www.cliniqueinspiration.com

Par Pascale-Julie Robinson

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