« Moi, monsieur Larocque... »

Quand la parentalité se limite au succès scolaire et financier des enfants...

« Moi, monsieur Larocque, j’ai bien réussi mes enfants, ils sont tous à l’université et ont une belle situation. » « Mes enfants, M. Larocque, vont bien, ils sont en couple et ont tous une maison et une bonne job. » « Moi, M. Larocque, on a tout sacrifié pour nos enfants, et ils sont tous dans de belles positions. » Bravo à vous ! Mais…

Lorsque je parle de parentalité, il y a beaucoup de parents qui s’empressent de me servir ces phrases. Ces histoires de succès qui laissent l’impression que réussir sa parentalité se limite au succès scolaire et financier de nos enfants. Je comprends que ce soit soulageant. Mais je ne ferais jamais la promotion de cette voie comme LA voie à suivre. C’en est une parmi tant d’autres. Vous n’êtes pas un bon parent parce que vos enfants ont un diplôme ou un bon salaire. C’est juste que ce sont vos valeurs et que vous les avez transmises. Sachez que vos enfants ne seront pas plus hauts sur le podium du bonheur.

Pourquoi entend-on plus rarement « Moi, M. Larocque, mes enfants sont des poètes et des rêveurs », « Moi, je suis fier de les voir faire le tour du monde », « Moi M. Larocque, mes enfants ont lâché l’école, n’auront jamais de diplôme, mais sont tellement heureux et créatifs que c’en est inspirant », « Moi, mon enfant est un autodidacte extraordinaire, j’en suis fier » ?

Le statut socio-économique d’un enfant maintenant adulte m’importe vraiment peu. Mais vraiment peu. Ça ne m’intéresse pas d’entendre des histoires de parents qui croient que leur travail est meilleur lorsque leur enfant est à l’université. Voyez les nouvelles des derniers mois sur des parents qui donnent des pots-de-vin aux universités… ce n’est rien de nouveau.

Bien sûr, je ne connais pas l’histoire de toutes ces familles, mais je trouve que le message passe mal lorsqu’on laisse entendre encore aujourd’hui que la formule pour réussir est école + argent. Je tiens ici à dire que je ne suis pas contre les études, bien au contraire. Nous avons des grandes écoles ici et un corps professoral extraordinaire. Je le crois. Mais que pensez-vous de la phrase : « Fais de ta passion ton métier » ? Que fait-elle résonner en vous ?

Il y a un papa que je connais bien qui se fait un devoir de constamment chercher un article qui va contredire ce que je crois (ma chasse au bonheur l’irrite au plus haut point). Pas ce que je dis… ce que je crois ! Pauvre lui. L’autre jour, il m’a mentionné un article d’un « monsieur important » qui dit que, dans la vie, il vaut mieux avoir un métier OK, pas un métier qui nous fait triper ou un métier qui nous comble, mais un métier OK qui rapporte de l’argent, et prendre ensuite le temps qu’il reste pour se consacrer à un passe-temps qui nous réjouit. Je veux bien croire que la vie n’est pas juste faite pour s’amuser et rêver, mais je suis toujours déçu de voir qu’à chaque fois que quelqu’un parle de bonheur et d’être heureux, il y a toujours une autre personne pour lui donner un coup de barre derrière les genoux.

L’éducation réelle n’est pas tant de poursuivre un but qui nous rend heureux, mais de faire la promotion du bonheur comme n’étant pas une menace. Il faut commencer maintenant à en faire la promotion aux jeunes et moins jeunes, et dire, surtout aux jeunes, qu’être heureux n’exclut jamais l’effort, le travail, les soucis et les doutes. Être heureux n’exclut aucun métier ; c’est un état dans lequel on peut concevoir vivre tous les jours… dans un métier qui frôle la passion et qui ne donne pas nécessairement du gros argent !

Alors, quand j’entends quelqu’un dire que ses enfants ont réussi parce qu’ils ont un doctorat, je suis toujours curieux de savoir s’ils sont heureux. Faites le tour des petits cafés de Montréal et demandez aux propriétaires ce qu’ils faisaient avant… Vous trouverez beaucoup de jeunes adultes qui vous diront : « J’ai obtenu un diplôme pour faire plaisir à mes parents, puis j’ai poursuivi mes rêves. » Je vous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, 80 % des Québécois et Québécoises n’aimaient pas leur travail... statistiques à l’appui !

C’tu juste moi… ?

MARTIN LAROCQUE
Conférencier et auteur du livre Quand t'éduques, éduque.

Papa blogueur Nanny secours
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Par Martin Larocque

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