Vous sentez-vous entendue ?

Enceinte de mon deuxième enfant, à 41 ans, je n’ai pas d’amies autour de moi avec qui partager mes inquiétudes et mes questionnements. J’en parle bien sûr à mon conjoint et aux gens de mon entourage, mais on cherche toujours à me rassurer rapidement. J’ai l’impression de ne pas me sentir entendue dans mes malaises et mes angoisses.

Je me ronge les ongles.

Je suis enceinte d’environ six mois au moment où j’écris ces lignes et je vis de l’anxiété face à ma grossesse et à la suite. Comme c’est mon deuxième enfant, je sais maintenant ce qui s’en vient : je n’ai plus la naïveté de la première fois, et la tête me « spinne » comme un hamster dans sa roue !

­Est-ce que je serai capable d’aimer cet enfant autant que ma première ? ­Est-ce que l’accouchement ira bien ? ­Je sais que je vais avoir mal, je sais que je vivrai des moments difficiles, et des moments de pure adrénaline et de joie. ­Est-ce que je vivrai encore une dépression ­post-partum ? ­Et l’isolement du congé de maternité ? ­Et avec mon conjoint qui travaille beaucoup, ­serai-je seule pour tout faire ? J’ai su que nous attendions une autre petite fille, je suis contente, mais ­est-ce que sa santé sera aussi bonne que ma première ? ­Ouf. Plein de questionnements, probablement normaux, vous me direz, mais tout de même angoissants quand je me laisse emporter par mes pensées ! J’oublie de savourer le présent et les joies de la grossesse, ma dernière. Je capote.

À 41 ans, je n’ai pas d’amies autour de moi qui sont enceintes en ce moment et je me sens souvent seule dans cet état d’esprit. J’en parle à mon conjoint, qui me dit que tout ira bien et d’arrêter de m’en faire. J’en parle à mon entourage, et le sujet tourne rapidement vers d’autres plus intéressants. Et je peux comprendre. J’entends aussi des « ­Ben, voyons donc, pense pas à ça ! ». J’ai l’impression de ne pas me sentir entendue dans mes malaises et mes angoisses.

Toute ma carrière, j’ai mis de côté mes états d’âme, car j’étais dans un milieu d’hommes et j’étais orientée sur la tâche à accomplir. Depuis quelques années, je travaille sur moi pour changer ces habitudes. J’ai appris à mettre des mots sur ce que je vis pour m’éclairer d’abord ­moi-même, puis rapporter le tout dans mes écrits ensuite. Mais à quoi ça sert de reconnaître et partager ses émotions quand peu de gens comprennent ou sont prêts à les recevoir ? ­Ce serait comme d’apprendre l’espagnol pour mieux vivre au ­Canada : certains comprennent la langue, mais ce n’est pas la majorité. ­Serait-ce pour mieux me parler et me comprendre ­moi-même ? M’honorer ?

J’ouvre une parenthèse.

La reconnaissance et l’expression des émotions
La reconnaissance des émotions n’est pas simple, mais essentielle. Surtout parce que les émotions sont en fait reliées à des besoins, satisfaits ou non. Elles sont des petits drapeaux rouges qui donnent des indices sur notre degré de satisfaction face à notre vie. Notre indice de bonheur.

Peu de gens ont appris à les identifier, à les reconnaître. Nous apprenons souvent que nous vivons une émotion lorsqu’elle s’exprime dans notre corps en sensation ; une boule dans l’estomac pour de l’anxiété ou de la peur, une chaleur dans le cuir chevelu pour de la colère, un cœur qui palpite pour de la nervosité ou de l’amour, une gorge enrouée pour une insatisfaction ou un malaise. Les signes ne sont pas toujours aussi évidents, et encore ­faut-il savoir les détecter quand ils se pointent.

Quant à la répression des émotions, c’est, selon moi, le plus grand ­mal-être de notre société. Des émotions non exprimées sont comme un ballon de plage retenu dans l’eau : elles finissent ­TOUJOURS par sortir de l’eau et exploser. Elles sortent en violence, en comportements malsains, en relations toxiques, en drames. Tout ce que montre le téléjournal.

Avec notre éducation, notre histoire, nos croyances, nos peurs, nous avons, pour la plupart, été habitués à réprimer ou taire nos émotions. ­Celles-ci sont rarement les bienvenues : elles dérangent, rendent mal à l’aise, créent des froids et attirent la critique. Plusieurs sont mal à l’aise avec cela et ont appris à refouler pour se conformer ou être aimés. Ils ne savent pas non plus comment réagir quand quelqu’un partage ses émotions ; ils les jugent, car ils ne sont pas outillés pour les accueillir. Nous jugeons systématiquement ce que nous ne connaissons pas.

Quand nous sommes maladroits dans la reconnaissance et l’expression de nos propres émotions, il est difficile de reconnaître et apprécier celles des autres. C’est dommage, mais c’est aussi juste normal.

Les émotions, un langage universel
Ceci étant dit, avec le temps, j’ai compris que le langage des émotions est universel. Quand on arrive à définir ce qu’on vit et à le transmettre, cela peut être très libérateur. La plupart des gens comprennent ce vocabulaire qui est relié à leur essence d’être humain. « ­Je me sens triste » ou « ­Je me sens en colère », c’est clair. Le langage peut être un pont riche et puissant entre les gens quand il est fait de façon respectueuse et dans l’accueil.

Bon. Je ferme la parenthèse.

Si je reviens à ma situation d’anxiété du départ et que je me coache ­moi-même, comme si j’étais ma propre cliente, que ­pourrais-je me poser comme question ? ­Voici quelques idées.

• Quelles émotions ­ressens-tu ?
• Quels sont les besoins cachés derrière ces émotions difficiles ?
• Comment ­peux-tu combler ces besoins ?
• En reconnaissant tes émotions et les besoins qui y sont reliés, comment te ­sens-tu ? ­Est-ce que tu as l’impression de t’être entendue ­toi-même à travers ce processus ?
• As-tu encore besoin d’exprimer ces émotions et ces besoins à quelqu’un ? ­Si oui, qui serait disposé à t’écouter et quelles sont tes attentes envers cette personne ? ­Comment t’y ­prendras-tu pour demander à cette personne si elle est disponible et disposée à recevoir ton partage ?
• Comment te ­sens-tu maintenant face à la prise en charge de ta vie et ton propre bonheur ?

Des questions qui peuvent être ­facilement posées dans n’importe quelle situation.

Je crois, en terminant, que l’exercice de s’entendre ­soi-même est et doit être le premier grand pas vers la satisfaction et la reprise de son pouvoir personnel. Car, ­souvenons-nous, l’expression de notre vérité intérieure avec du vocabulaire émotif n’est pas comprise par tout le monde autour de nous. C’est un langage inconnu pour certains, voire inutile.

S’arrêter, se connecter à soi, prendre une grande respiration. Se demander : qu’­est-ce que je vis en ce moment ? ­Est-ce que mon corps réagit physiquement à quelque chose ? ­Quelle est l’émotion qui m’habite ? ­Est-ce que je peux mettre des mots sur ce que je vis ?

« S’entendre d’abord ­soi-même », aussi difficile, complexe et, en même temps, si simple que cela puisse être, est la base. Reconnaître ses propres émotions pour ensuite pouvoir identifier ses propres besoins, pour être ensuite autonome dans sa quête personnelle du bonheur. Voilà !

Ça a du sens ?

M’entendre pour me respecter.

M’entendre pour me responsabiliser face à mon bonheur.

M’entendre pour m’aimer davantage.

M’entendre pour donner l’exemple à mes enfants…

NATHALIE LAUZON
Coach professionnelle, auteure et artiste

www.nathalielauzon.ca  •  info@nathalielauzon.ca

Par Nathalie Lauzon

À lire aussi