Le bébé aux besoins intenses: il n'est pas anormal!

La société semble vouer un culte incontestable à ce bébé dit « facile », qui n’ébranle pas trop le quotidien de ses parents et qui se satisfait de tout ce qu’on lui propose. Ah, le « bon bébé » ! Évidemment, il n’existe pas de « bon bébé »… ni de mauvais, d’ailleurs ! ­Mais ­
qu’­est-ce qui explique alors que certains bébés sont beaucoup plus « intenses » que d’autres ?

L’arrivée d’un bébé peut générer toute une gamme d’émotions chez les parents, d’autant plus lorsque ce dernier se montre plus réactif et exigeant que les autres bébés de son entourage. Sentiment d’impuissance, stress, et même colère peuvent être de la partie. Les familles que je rencontre sont souvent aux prises aussi avec de forts sentiments d’incompétence et de culpabilité.

Tous les bébés sont différents, et les plus intenses n’appartiennent pas pour autant au club des anormaux ! ­Plusieurs hypothèses sont à considérer pour expliquer les pleurs intenses : ­ceux-ci peuvent évidemment être d’origine organique, mais il y a également d’autres facteurs explicatifs, comme l’intensité du tempérament du bébé, l’anxiété de l’adulte ou le stress dans l’environnement.

Le tempérament et le bébé aux besoins intenses (BABI)
Le tempérament, c’est la manière innée dont on réagit en fonction de ce qui se passe dans l’environnement. Dans les années 1980, le pédiatre américain ­William ­Sears a proposé une appellation pour décrire le tempérament du bébé qu’on qualifiait alors de « difficile » : ­BABI, pour « bébé aux besoins intenses », c’­est-à-dire plus réactif et doté d’une grande sensibilité.

Mais attention ! ­Il faut distinguer le bébé aux besoins intenses du bébé irritable, qui pourrait souffrir par exemple d’allergies alimentaires, d’intolérances, de poussées dentaires, de reflux, de torticolis ou de toute autre tension et/ou problème physique ou de santé. Ces manifestations peuvent être variées et intenses, bien sûr, mais elles ne relèvent pas du tempérament. Consultez un médecin en cas de doute.

On peut observer des manifestations comportementales propres à ces bébés dit « aux besoins intenses ». On ne parle pas toutefois de diagnostic ! ­Ces bébés ne sont pas « anormaux » non plus. L’objectif demeure de normaliser le vécu des parents et de mettre des mots sur leur réalité souvent bien incomprise.

D’abord, le ­BABI est intense… dans presque tout. Il crie fort, pleure fort, il proteste et il rit fort. Il a besoin qu’on réponde à ses demandes ­sur-le-champ, il est insistant et ne tolère pas les délais, même très courts. Hyperactif, il veut constamment être en mouvement, ne reste pas en place et a besoin de beaucoup de stimulation. Le bébé aux besoins intenses est généralement « hyper téteur », car téter l’apaise, mais il n’aime pas se sentir contraint ni emmailloté. Vous savez, ce bébé hypertonique qui se raidit lorsqu’on essaie de le blottir contre soi ou s’arque le dos en s’asseyant dans le siège d’auto ? ­Pour être rassuré, il a toutefois un grand besoin de contact physique et s’apaise rarement seul. On le qualifie souvent de « bébé à bras ».

Par ailleurs, l’hypersensibilité est une caractéristique propre au ­BABI. Les stimuli de son environnement le font réagir vivement. Il est aussi sensible aux émotions des autres, pleurant lorsqu’il y a de l’émotivité dans l’air. Cependant, ses réactions demeurent souvent imprévisibles, ce qui laisse ses parents avec le sentiment qu’il est constamment insatisfait et surtout très exigeant. Sans surprise, le sommeil des bébés aux besoins intenses est généralement difficile, ce qui s’avère d’autant plus épuisant pour ses parents. Souvent éveillé, le ­BABI fait peu de siestes et cherche à être rassuré à chaque réveil, car l’angoisse de séparation peut être grande pour lui, plus que la moyenne.

Quelques trucs de survie
D’abord, il importe d’observer votre bébé au quotidien afin d’affiner votre habileté à le décoder et à le comprendre lorsqu’il ne se sent pas bien. Ainsi, vous arriverez à mieux adapter vos interventions pour répondre le mieux possible aux besoins qu’il exprime. Le parentage proximal est d’ailleurs une approche qui peut faciliter grandement votre quotidien. Alors, oui à l’allaitement non écourté, au portage, au bercement et au partage de la chambre ! ­En effet, le manque de sommeil est le pire ennemi de la patience. Il doit être une priorité pour vous, peu importe la stratégie utilisée, tout en respectant néanmoins vos propres limites. À l’inverse, si on n’est pas à l’aise avec ces méthodes, il peut devenir lourd de répondre aux besoins de son bébé. Le parentage doit demeurer nourrissant pour tous et chacun, dans le respect des limites personnelles.

Le défi au quotidien demeure d’accueillir les pleurs du bébé. En ce sens, il faut accepter que le bébé ait parfois besoin de pleurer et qu’il n’y ait pas nécessairement de solution : il peut avoir simplement besoin de la présence et du réconfort de ses parents pour pleurer en confiance.

Ensuite, il s’avère nécessaire de faire le point sur vos priorités quant aux tâches à réaliser au quotidien, de maintenir des attentes réalistes et de lâcher prise par rapport à ce que vous n’arrivez pas à accomplir. Sortir tous les jours devrait avoir priorité sur le ménage. Allez au parc avec bébé, ­permettez-lui de ramper dans un grand espace, d’explorer, ­mettez-le en contact avec d’autres bébés : vous répondrez à son besoin de stimulation, tout en vous permettant une petite pause. En raison de son intensité, le ­BABI devient la priorité des parents, souvent au détriment de leurs propres besoins. Réserver du temps pour soi idéalement chaque jour, ne ­serait-ce que pour prendre un bain ou un café chaud, permet de préserver votre santé physique et mentale. Vous parviendrez mieux ensuite à reconnaître les forces de votre bébé, car malgré son intensité, le ­BABI a de nombreuses qualités qui deviennent des forces extraordinaires, en grandissant. Les souligner de temps à autre et reconnaître ce qu’il vous apporte de positif permet d’entretenir une relation positive et d’être plus serein comme parent. Osez donc demander de l’aide et faire appel à votre entourage. À trop vouloir tout faire par ­soi-même, on risque l’épuisement parental. L’isolement guette souvent les parents de ­BABI : ils se sentent jugés, ils craignent que les pleurs dérangent les autres. Il importe donc d’être bien entouré pour avoir des moments de répit. Repérez les ressources dans votre région (organismes, centres périnataux), osez faire des activités avec d’autres parents de bébés. Vous y rencontrerez certainement des parents de ­BABI avec lesquels échanger.

Soyez doux avec ­vous-même. Les différences de tempérament sont réelles et observables dès la naissance. Ce n’est pas « votre faute ». Tentez de vous adapter peu à peu au tempérament de l’enfant plutôt que d’essayer de le changer ou de « l’affronter ». Les situations du quotidien deviendront progressivement moins confrontantes. Voyez vos bons coups ! ­Analysez les situations où vous avez réussi à apaiser votre enfant et ce que vous avez fait pour y parvenir. Évitez de vous comparer aux autres, vous et votre bébé, et, surtout, n’écoutez pas trop les mille et un commentaires de tous et chacun. ­Rappelez-vous que vous êtes l’expert de votre bébé !

Pour aller plus loin, découvrez le livre Soyez l’expert de votre bébé, où Mélanie Bilodeau déconstruit plusieurs mythes et croyances entourant le développement du bébé.

Livre soyez l'expert

MÉLANIE BILODEAU
Psychoéducatrice en périnatalité et petite enfance, et auteure du livre Soyez l’expert de votre bébé, paru aux Éditions Midi Trente.

Les Éditions Midi Trente publient des livres pratiques et des outils d’intervention sympathiques pour surmonter les difficultés et stimuler le potentiel des enfants et des adolescents.

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Par Mélanie Bilodeau

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