Les étiquettes, c'est bon que pour les conserves

Sportif, artiste, sauvage, gêné. Et si ces étiquettes n’étaient que des cases dans lesquelles on met l’enfant tout en l’incitant à ne jamais en sortir ?

L’étude du développement de l’enfant n’est pas chose facile, car l’éthique nous empêche de recourir à certaines expériences. Imaginez un instant un laboratoire dans lequel on regarderait grandir des enfants. On déciderait dès le début du prénom de chacun qui identifierait clairement sa personnalité attendue. Par exemple, celui qui porterait le prénom ­Détestable, ­développerait-il de l’empathie pour ses amis ou ­aurait-il un tempérament destructeur ? ­Celui qu’on aurait affublé du prénom ­Leader, ­aurait-il tendance à vouloir guider les autres ? P’tit ­Timide, ­oserait-il s’ouvrir à ses camarades ? ­Sportif ­performerait-il au soccer ou ­deviendrait-il un artiste peintre ? ­Nerd ­aimerait-elle sortir le nez de ses bouquins ? ­Et ­Sauvage ­préférerait-il rester cloîtré dans sa carapace ? ­Les années défileraient, et on observerait les petits évoluer tout en se demandant si l’étiquette attribuée les influencerait dans leur personnalité.

Évidemment, mener une telle expérience est inhumain. Pourtant, lorsqu’on y réfléchit un instant, on constate qu’elle a lieu présentement dans nos maisons ! ­Tous les jours, on étiquette nos enfants. Ils sont tannants, gênés, paresseux, bébés. Ils sont sportifs comme papa, artistes comme maman ou sauvages comme ­Matante ­Unetelle. Bien sûr, certaines étiquettes sont plus positives et encourageantes que d’autres, mais elles ne sont néanmoins rien d’autre qu’une case dans laquelle on met l’enfant en l’invitant à ne pas en sortir.

J’ai un souvenir lointain de ma jeunesse où on me nommait ­Caro ­La ­Gaffe. J’imagine que j’ai dû en échapper des verres de jus pour me retrouver affublée de ce surnom qui se voulait mignon ! ­Ce que j’en ai tristement retenu, c’est que je ne savais pas faire preuve de délicatesse, de minutie et de douceur. Pourtant, je n’étais pas gaffeuse puisqu’aucun enfant ne l’est. Ils ne sont que des petits humains ayant une vision brouillée de leur environnement et beaucoup moins de dextérité manuelle qu’un adulte. Aujourd’hui encore, je reste prisonnière de la case dans laquelle on m’a mise, évitant même d’entrer dans les boutiques de porcelaine, convaincue que je risque de tout casser.

Parfois aussi, en glorifiant un talent, on détruit tout le reste des possibilités. Je pense à une amie qui, s’étant fait répéter constamment à quel point elle était douée en mathématiques, ne s’est concentrée que sur cette force dès son plus jeune âge. En l’encourageant à poursuivre ses performances exemplaires, on l’a du même coup enfermée dans une case qui limitait son potentiel. Aujourd’hui, elle peine à écrire correctement un texte et n’en récolte surtout aucun plaisir. Quelque part dans son enfance, on a décidé qui elle était sans lui laisser l’occasion de le choisir ­elle-même.

Comme quoi, il faudrait commencer à faire attention à ce qu’on dit à nos enfants, car ils enregistrent cela comme la vérité pure et dure. Ça, c’est une expérience qu’il faudrait bien tenter. Car s’il y a une chose que l’on sait en tant qu’adulte, c’est que, lorsqu’on décide d’enlever une étiquette, on a beau nettoyer et frotter vigoureusement, il restera toujours une ligne de colle visible. C’est exactement la même chose pour les petits. Même lorsqu’on cesse de vanter leurs aptitudes, il est déjà trop tard pour les inviter à évoluer afin qu’ils deviennent qui ils sont vraiment. Alors, ne faites pas de votre maison un lieu de laboratoire terrifiant. Que ce soit négatif ou positif, cessez d’étiqueter vos enfants !

CAROLINE LANGEVIN
Éducatrice formée, Caroline Langevin travaille en service de garde depuis 15 ans. Passionnée du domaine de la petite enfance, elle termine actuellement un baccalauréat en éducation. Elle est aussi auteure de romans et de livres pour enfants.

 Facebook : CarolineLangevinAuteure

Par Caroline Langevin

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