Quel devrait être le salaire de l'ado qui garde mes enfants?

Depuis que mes enfants sont en âge de garder, ils me posent souvent la question suivante : « ­Combien ­dois-je demander, de l’heure, pour garder ? » J’hésite à répondre. Je ne sais pas, du moins je ne sais plus. J’essaie de leur donner une réponse claire basée sur un calcul objectif… ­Pas facile! En fouillant cette question, j’ai constaté qu’en 2020, les adolescents québécois qui gardent sont payés six dollars de moins que le salaire minimum. Pourquoi ?

Pour fairae un état de la question, le ­Carrefour ­jeunesse-emploi de ­Portneuf a réalisé, entre le 15 et le 21 juin 2020, un sondage auprès de 2000 parents d’enfants qui utilisent les services d’adolescent(e)s pour garder leurs enfants. Voici les principaux résultats.

12 ans
Lorsqu’un ado offre ses services pour garder des enfants, les parents se fient à leur intuition afin de « partir tranquilles ». Ils peuvent demander des références et poser quelques questions. C’est souvent ce qui est fait. Les parents partent alors avec le cellulaire en poche, en se croisant parfois les doigts. La plupart du temps, tout se passe bien, et une relation de confiance peut naître. Selon notre sondage, 12 ans est un âge où la maturité « apparaît », ce qui permet aux parents d’avoir une meilleure confiance dans les capacités des gardien(ne)s.

Gardiens avertis
Cette formation est offerte chaque année aux jeunes âgés de 11 ans et plus par des formateurs accrédités de la ­Croix-Rouge canadienne. En quelques heures, les jeunes apprennent les techniques de secourisme, la gestion des comportements difficiles et les bases du leadership. En ayant cette certification en main, les gardien(ne)s embauché(e)s démontrent un intérêt marqué pour le travail à faire. Un élément à prendre en considération lorsque vient le temps de négocier le salaire avec eux, car les jeunes ont investi, dans cette formation, une journée complète et une soixantaine de dollars. Pour la plupart des parents, soit 77 % des répondants, il est nécessaire d’avoir suivi cette formation.

Les qualités essentielles
Selon les sondés, voici, en ordre d’importance, les aptitudes et attitudes essentielles pour garder. L’adolescent(e) qui garde doit : 

1- assurer la sécurité des enfants et de la maison ;
2- être responsable et mature ;
3- être patient(e) ;
4- être autonome et organisé(e).

Le genre
Pour 72 % des répondants, la profession de gardien(ne) est autant masculine que féminine. Toutefois, si vous cherchez une image de « gardien, gardienne d’enfant » sur internet, il vous sera très difficile de trouver un garçon qui garde. Notre imagerie collective doit davantage promouvoir le masculin, pour ce qui est du gardiennage.

Négociation à la hausse
Pour 93 % des parents, la hausse du salaire est un moyen de fidéliser et de retenir des gardien(ne)s de confiance et d’expérience. Dès que nos supergardien(ne)s gagnent en âge, leurs disponibilités disparaissent soudainement puisque nos offres de gardiennage rivalisent avec des emplois mieux payés. Il faut donc jouer du coude pour les garder ou recommencer le processus avec de nouvelles candidatures. C’est une décision personnelle parfois déchirante.

Le salaire
Selon le sondage, au ­Québec, le salaire moyen est à 7,33 $ l’heure.

Et le reste du ­Canada ?
Tant qu’à fouiller la question, l’équipe derrière le sondage a poussé son enquête d’un océan à l’autre. Afin de faire une comparaison suffisamment exhaustive, fr.babysits.ca, un genre de ­Airbnb du gardiennage qui recense des milliers de gardien(ne)s d’enfants à travers le monde, a été utilisé.

Pour le groupe d’âge des 13 à 15 ans, la province canadienne qui paie le mieux est la ­Colombie-Britannique avec 12,47 $ l’heure ; suivie par l’Alberta avec 11,90 $ ; puis le ­Manitoba avec 11,50 $ ; l’Ontario, 11,46 $ ; les provinces maritimes, 11,38 $ ; et la ­Saskatchewan, 11,25 $. Nous obtenons, pour le ­Canada, une moyenne de 11,07 $ l’heure. Avec 7,33 $ l’heure, le ­Québec est donc la province qui paie le moins bien ses gardien(ne)s d’enfants, un écart de 3,75 $ avec la moyenne nationale… ­Est-ce qu’un rattrapage est possible ?

Aujourd’hui, au ­Québec, sous prétexte que les ados ne paient pas d’impôt, que les parents disent ne pas avoir un revenu suffisant afin d’offrir un salaire adéquat et que les jeunes n’ont rien d’autre à faire que de surveiller les enfants pendant qu’ils dorment, les gardien(ne)s d’enfant sont payé(e)s, selon le sondage, presque 6 $ de moins que le salaire minimum. Parmi les emplois occupés par les adolescent(e)s, il y a fort à parier que le gardiennage d’enfants est parmi les moins bien rémunérés. Garder nos petits trésors, un métier ­sous-payé ?

En tant que parent, ce constat m’oblige à me poser deux dernières questions : ­fais-je de l’opportunisme économique sur le dos de mineur(e)s lorsque je les paie si peu ? ­Ce salaire bas, mal justifié, ­peut-il paver la voie de l’iniquité salariale future que les jeunes vivront ­peut-être une fois sur le « vrai » marché du travail ?

 

MATHIEU BERGERON
Chargé de projet en équité et en gouvernance
Carrefour jeunesse-emploi Portneuf

www.cjeportneuf.com  • 418 329‑1357

Par Mathieu Bergeron

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