Mes plans pour cet été, c'est l'ennui

Parc aquatique, zoo, plage, spectacle, voyage… ­Qu’­avez-vous prévu pour vos enfants cet été ? ­Et si à la place, cette année, on se contentait de les laisser s’ennuyer ?

Au moment d’écrire cet article, je passe mes journées en compagnie d’un enfant de trois ans qui revient d’une semaine de vacances en ­Floride. Il y a multiplié les excursions à la plage et a même visité un zoo. Pourtant, il me raconte sans cesse quel plaisir ce fut d’écouter des films dans sa roulotte en buvant du jus. Ça m’a replongée dans mes propres souvenirs. À mes 11 ans, l’amoureuse des dauphins que j’étais a eu la chance de visiter ­Marineland. Cependant, le seul souvenir qui a touché mon cœur et qui est resté gravé dans ma mémoire est d’avoir obtenu la permission de sauter sur les lits des hôtels et de manger des céréales en voiture. Alors, je me pose la question : si l’on ne garde que si peu de souvenirs de ces vacances, ­est-ce la preuve qu’il serait plutôt préférable de ne rien faire ?

Afin d’éveiller et de divertir leurs enfants, de nombreux parents font le maximum pour les tenir occupés. Même en période estivale, ils se retrouvent à la course avec un horaire surchargé d’activités toutes plus stimulantes les unes que les autres. Les réseaux sociaux sont bombardés de palpitants souvenirs familiaux qui font culpabiliser ceux qui ne s’y adonnent pas. Mais ­est-ce réellement nécessaire de faire vivre à nos enfants toutes ces expériences ? ­En ­sortent-ils réellement gagnants et mieux outillés ? ­Qu’­arriverait-il si nous repensions nos habitudes et proposions à la place à nos enfants de s’ennuyer cet été ? ­Le « vide » ­serait-il bénéfique à leur évolution, et l’ennui ­deviendrait-il une occasion de les équiper pour l’avenir ?

Rêvasser parfois est indispensable au bon développement du cerveau des enfants. De nombreux chercheurs ont d’ailleurs noté une corrélation entre la courbe de déclin du jeu libre et la courbe croissante de certains désordres mentaux, tel que l’anxiété et la dépression.

Les jeux libres sont des périodes ni organisées ni structurées par l’adulte ; se déroulant idéalement à l’extérieur en compagnie d’autres enfants, elles apportent de nombreux bénéfices. D’abord, les jeunes y acquièrent une plus grande autonomie et une certaine confiance en eux. Ils façonnent aussi leur personnalité et découvrent leurs préférences. Par l’ennui, ils plongent dans l’imagination et la créativité. Il n’y a plus de limites à ce qu’un objet inanimé peut devenir. En compagnie d’amis, ils apprennent à s’affirmer, à collaborer, à contrôler leurs émotions et à raffiner leurs habiletés sociales. Ensemble, ils apprivoisent l’échec dans un contexte ludique, ce qui leur permet d’améliorer leurs capacités de résolutions de problèmes. De plus, il semble même que le jeu libre aide grandement les enfants pour la lecture et les mathématiques.

Il est vrai que les enfants qui n’en ont pas l’habitude se trouveront d’abord désorientés par l’ennui du jeu libre. Pour les soutenir dans cet apprentissage, ­donnez-leur simplement quelques pistes et idées, et ­fournissez-leur un peu de matériel simple, telle qu’une loupe et quelques planches de bois. La nature se chargera du reste. Une fois que l’ennui fera partie de leur mode de vie, vous n’aurez plus à les orienter ni à les conseiller.

Alors, déculpabilisez ! ­Non, vos enfants n’auront ­peut-être pas vu d’éléphants cet été, mais vous leur offrirez la possibilité de développer des qualités et des aptitudes qui leur serviront pour le reste de leur vie. ­Offrez-leur l’ennui en cadeau ! ­En prime, vous économiserez ! ­Et pendant qu’ils ne feront rien, pourquoi ne pas en profiter pour apprivoiser ­vous-même l’ennui ?

Caroline Langevin
Éducatrice de formation, Caroline travaille en service de garde depuis 15 ans. Passionnée du domaine de la petite enfance, elle termine actuellement un baccalauréat en éducation. Elle est aussi l’auteure de romans et de livres pour enfants.

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Caroline Langevin

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