Comprendre la constipation des enfants

La constipation est très courante chez les enfants. Elle est responsable d’un maximum de 5 % des consultations chez le médecin, mais, dans la réalité des conditions de santé de l’enfant, cette problématique semble plus significative que cette statistique. De plus, la fréquence des selles considérée comme normale varie beaucoup d’un enfant à un autre, et selon l’âge également. Que faire lorsque notre enfant en éprouve les symptômes désagréables ?

constipation enfant bébé

De manière générale, les ­nouveau-nés (entre la naissance et l’âge d’un mois) allaités ont des selles plus fréquentes que ceux nourris au biberon ; ils peuvent évacuer des selles après chaque tétée. Après l’âge d’un mois, cependant, la fréquence des selles est moindre chez les bébés nourris au sein ; et il est possible d’avoir une absence prolongée de selles (4 à 6 jours) sans que cela soit inquiétant. Certains nourrissons (entre 3 et 12 mois) n’évacuent des selles qu’une fois tous les 3 ou 4 jours. La plupart du temps, on observe que les enfants (âgés d’un an et plus) font une ou parfois deux selles par jour, tout en considérant la variabilité individuelle du métabolisme et du transit intestinal.

Dans la majorité des cas, la constipation n’est pas reliée à une maladie infantile ou à une anomalie physiologique. En effet, les nourrissons ainsi que les enfants sont particulièrement prédisposés à développer une constipation à trois étapes significatives de leur vie. La première période coïncide avec l’introduction des aliments solides, la deuxième est celle liée à l’apprentissage de la propreté et la troisième se situe environ au début de la scolarisation.

Durant la période d’introduction des solides, l’alimentation diversifiée va occasionner des changements de texture et de fréquence des selles. Les signes d’effort, comme la contraction du visage et les pleurs avant d’évacuer des selles, sont communs sans pour autant que cela soit considéré comme un problème de constipation. Ces symptômes surviennent à la suite de la difficulté de distension des intestins et des muscles du plancher pelvien lors du passage des selles. Ces inconforts de différentes intensités ressentis par le nourrisson tendent à disparaître progressivement.

La période d’apprentissage de la propreté varie beaucoup d’un âge (et d’un sexe) à un autre. Cette étape importante dans le développement doit être une expérience positive pour l’enfant et pour le parent. Des recommandations et des conseils faciles à mettre en pratique quant à cette étape significative sont disponibles dans la documentation ­Mieux vivre avec notre enfant de la naissance à 2 ans remise aux parents à la naissance. On y fait entre autres référence à l’importance de ne pas introduire cet apprentissage trop tôt alors que l’enfant ne manifeste aucun intérêt ou lors d’un changement majeur dans la vie familiale et que les efforts d’apprentissage doivent être encouragés, sans punitions.

La période de la rentrée scolaire est source de changements considérables pour l’enfant. ­Celui-ci est exposé à la fréquentation d’une multitude de personnes et d’autorités nouvelles ainsi qu’à une routine différente pour ses repas et ses collations. Des installations sanitaires nouvelles peuvent causer une certaine source d’enjeux liés à l’intimité pour l’enfant et nuire à sa capacité d’utiliser les toilettes scolaires. À cet égard, la retenue quotidienne des selles peut tranquillement entraîner des facteurs de risque liés à la constipation et à l’encropésie, qui est une complication de ­celle-ci.

Les causes de la constipation
Chez 95 % des enfants, la constipation est liée aux problèmes alimentaires et/ou comportementaux. On parle alors de constipation fonctionnelle. En médecine pédiatrique, les professionnels de la santé dénotent que l’intérêt ou la préoccupation des parents à l’égard de la régularité des selles de leur enfant varie selon son âge et/ou son rang dans la famille.

La constipation légère et occasionnelle n’a généralement aucune conséquence grave. Lors des suivis médicaux et selon l’observation parentale, on remarque que certains enfants semblent être incommodés par leurs selles et se plaignent régulièrement de douleurs abdominales qui surviennent après les repas — sans pour autant que cela soit de la constipation.

La constipation se définit principalement par plusieurs critères qui peuvent s’installer progressivement pour occasionner une condition de santé problématique. La nécessité de consulter un médecin lors d’un changement de texture et/ou de fréquence de selles dépend également de la présence des symptômes suivants : 
• une diminution importante de la fréquence des selles ;
• une douleur modérée à sévère lors de ­l’expulsion des selles ;
• des selles plus sèches et plus volumineuses ;
• du sang dans les selles causé par la présence d’une fissure anale ;
• des douleurs ou des crampes d’estomac ;
• une réaction de se retenir au moment de la selle et des pertes d’urine ;
• une perte d’appétit et un état général altéré.

Peu importe leur âge, les enfants peuvent volontairement se refuser à évacuer les selles à cause d’une fissure anale douloureuse, pour ne pas interrompre un jeu ou pour d’autres contextes comportementaux. Si l’enfant ne permet pas à ses organes liés au transit des selles de fonctionner quand survient l’envie naturelle, le rectum finit par s’habituer à la présence des selles et à la pression qu’elles exercent sur les récepteurs sensitifs du sphincter reliés au cerveau. Lorsque le rectum est exposé à une baisse de stimulation de ses récepteurs, le signal envoyé au cerveau diminue son intensité, et ainsi, le besoin d’évacuer les selles diminue quotidiennement. Par la suite, les selles s’accumulent progressivement dans le côlon et se durcissent. Un cercle vicieux pourrait alors s’instaurer et engendrer une aggravation de la constipation. Le durcissement des selles accumulées (fécalome) bloque alors le passage des nouvelles selles à venir. Les selles molles ­au-dessus des selles dures peuvent couler autour et, sous l’impaction, dans les ­sous-vêtements de l’enfant, et conduire à une incontinence fécale (encropésie). Les parents pensent alors qu’il s’agit d’un problème de diarrhée alors qu’il s’agit plutôt de constipation chronique.

D’autres facteurs alimentaires ou comportementaux sont observés dans l’installation de la constipation : 
• un changement significatif dans l’alimentation et dans la quantité d’eau consommée quotidiennement ;
• une routine bousculée (déplacements lors de vacances ou à l’extérieur de la maison) ;
• le manque d’intimité dans les installations sanitaires en service de garde ou à l’école ;
• le changement d’un service de garde, la naissance d’un autre enfant, un déménagement, la séparation ou la maladie des parents, etc.

Évaluation et traitement
Le professionnel de la santé s’efforce de savoir si la constipation est due à une cause alimentaire ou comportementale. Il importe de cibler la présence de certains aliments, de suppléments (le fer en particulier) ou de médicaments susceptibles d’être à l’origine de la constipation.

Au cours de l’examen clinique, le professionnel de la santé s’attarde à l’état général de l’enfant. Il doit aussi mesurer sa taille et vérifier son poids pour détecter la présence éventuelle de signes de retard de croissance. Par la suite, il évaluera avec précaution l’abdomen et l’anus (dont un examen du rectum par toucher rectal). Une radiographie de l’abdomen et des tests de dépistage peuvent être effectués en fonction des résultats de l’examen.

Le traitement dépend de la cause de la constipation. Pour la prise en charge de la constipation fonctionnelle, on prend notamment les mesures suivantes : 
• changement ou amélioration du régime alimentaire ;
• évaluation du comportement de l’enfant et ­recommandations aux parents ;
• si la constipation ne répond pas aux modifications du comportement et du régime alimentaire, le ­médecin peut recommander certains médicaments qui contribuent à ramollir les selles (émollients fécaux) ou à augmenter la fréquence du mouvement de l’appareil digestif (laxatifs).

La plupart de ces médicaments sont maintenant en vente libre. Cependant, les doses doivent tenir compte de l’âge et du poids corporel de l’enfant, et de la gravité de la constipation. Ainsi, les parents devraient consulter le médecin avant d’utiliser ces médicaments.

L’ostéopathie et la constipation
Il arrive dans certains cas que la mise en place de recommandations par les professionnels de la santé s’avère inefficace. Il est également possible que l’utilisation prolongée de médicaments contre la constipation, particulièrement chez le jeune enfant, entraîne une dépendance physiologique des organes liés au transit des selles (et cela, même si la dépendance à la médication est mentionnée comme improbable dans les effets secondaires des laxatifs et des émollients fécaux). On remarque alors que, si les parents essaient plusieurs fois de cesser ou de diminuer la médication, les symptômes de la constipation réapparaissent rapidement. Pour certains parents, l’obligation de devoir médicamenter quotidiennement leur enfant ne correspond pas à une solution inhérente au problème de la constipation infantile.

L’ostéopathie ne remplace en rien la médecine traditionnelle dans le traitement de la constipation. Elle peut, cependant, contribuer de manière efficace à éviter l’aggravation de ­celle-ci et être fort utile lorsque l’approche médicale traditionnelle est impuissante face à l’élimination progressive de la constipation. L’objectif de l’ostéopathie est d’identifier les structures neurologiques et viscérales qui ont été modifiées à l’apparition de la constipation et dont le rôle été perturbé dans le métabolisme du transit intestinal des selles.

Le principe de base en ostéopathie est de s’intéresser à ce qui entretient la constipation versus l’usage de la médication pour traiter les symptômes. L’ostéopathie vise à normaliser les structures physiologiques responsables de la condition clinique et à faire disparaître ainsi les symptômes de façon progressive.

Lors du premier traitement en ostéopathie, l’évaluation effectuée sur l’enfant est très spécifique et elle vise à identifier les tensions localisées dans les organes du système digestif et autres. Les manipulations faites sur le corps de l’enfant sont très délicates et ne causent aucun inconfort durant ou après la séance avec le thérapeute. L’objectif du traitement de la constipation en ostéopathie vise à améliorer la fonction des organes et à favoriser la circulation sanguine dans son ensemble.

Ma longue expérience à titre d’ostéopathe spécialisée en pédiatrie m’a amenée à prendre le temps avec les parents de bien comprendre la condition de santé particulière de leur enfant. Cette façon de faire est primordiale dans ma démarche : ne pas banaliser le problème de constipation tout en étant consciente que la préoccupation parentale sur la régularité des selles de leur enfant varie selon l’âge de ­celui-ci ou son rang dans la famille.

J’élabore avec eux la dynamique alimentaire et/ou le contexte comportemental qui aurait pu être responsable de la constipation et des efforts qu’ils ont déployés pour la normaliser. Les données ainsi recueillies et l’évaluation clinique vont me permettre d’appliquer la démarche de traitement optimale. À la suite du traitement, j’estime qu’il est crucial de bien informer les parents par le biais de recommandations précises. ­Celles-ci sont faciles à mettre en pratique et contribuent à favoriser la réduction des symptômes de constipation et du nombre de visites en ostéopathie. En général, 2 à 3 traitements sont nécessaires pour traiter les problèmes de constipation infantile.

Camille Bernard
Ostéopathe DO
MSc Asymétrie crânienne
 

Références
• ­Thérapeutique pédiatrique ­Weber, 2e édition, ­Gaëtan ­Morin Éditeur, 2017.
• ­Manuel ­Merck, traduction en français de la 18e édition, ­Merck ­Research ­Laboratories, 2006.
• ­Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans, ­INSPQ, 2017.
• ­Sergueef, N., ­Ostéopathie pédiatrique, ­Elsevier ­Masson ­SAS, 2007.
• ­Barral, J.P., ­Manipulation des nerfs crâniens, ­Elsevier ­Masson ­SAS, 2006.
• ­Vekemans, G., L’ABC de la santé des enfants, ­Les Éditions ­La ­Presse, 2013.
• ­Bernard C., ­Recherche qualitative sur la spécificité de la pratique clinique en ostéopathie pour le nourrisson, ­CEO, 2008.

Camille Bernard

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