La douance un atout ou un défi?

Psychologie

«­Mon enfant est bon à l’école, mais il est très anxieux et a des difficultés à demeurer attentif en classe, ­est-ce qu’il pourrait être doué?» «­Il est très créatif, mais aussi hypersensible et malhabile socialement, ­est-ce qu’il serait un enfant à haut potentiel intellectuel (HPI)?» ­Que ce soit dans les bureaux de psychologues, dans les associations de parents ou même dans les médias, on remarque depuis quelques années un intérêt accru pour les enfants doués. Bien que cet engouement permette enfin de mieux comprendre le fonctionnement et les besoins d’enfants longtemps négligés par le système d’éducation, il s’accompagne aussi d’une certaine confusion et de plusieurs fausses croyances.

Afin de démystifier les différentes idées véhiculées, il importe d’abord de préciser que la douance n’est ni un trouble ni un diagnostic, mais bien un terme utilisé pour décrire une mince portion d’individus qui présentent des compétences hors du commun dans une sphère de fonctionnement (par exemple le domaine musical, sportif, intellectuel ou scolaire). Ainsi, contrairement à la croyance populaire, la douance ne fait pas référence à un trait de personnalité ou au caractère de l’enfant, mais plutôt à ses aptitudes exceptionnelles dans un ou plusieurs domaines. ­Compte tenu des présentations variées, le terme «douance» ne devrait jamais être employé seul. L’enfant ­est-il doué en dessin? ­En piano? ­En calcul mental? ­Qualifier le type de douance de l’enfant permet de mieux définir ses besoins et fournir des enseignements adaptés aux forces de l’enfant afin de lui permettre de transformer ses «dons» en talents.

Par ailleurs, dans le cas particulier de la douance intellectuelle (aussi appelée haut potentiel intellectuel), bien que l’enfant doué intellectuellement soit souvent décrit par les médias comme un jeune très performant en classe, créatif et curieux, il serait aussi parfois dépeint comme étant anxieux, réactif, malhabile socialement ou hypersensible, ce qui ne s’avère pas représentatif de la réalité. En effet, ces nombreux traits de caractère ou comportementaux sont souvent plus fréquemment vus chez les enfants ­tout-venants ou chez les élèves ayant un trouble neurodéveloppemental que chez les enfants à ­HPI. D’après les chercheurs, la douance semble au contraire avoir un effet protecteur contre ce genre de problématique, et la grande majorité des enfants doués présente une meilleure adaptation sociale et psychologique que la population générale. Ils sont donc moins à risque de souffrir de troubles de santé mentale comparativement à leurs pairs et plusieurs d’entre eux ne requièrent aucune intervention particulière.

Il faut toutefois comprendre que, bien que la douance intellectuelle soit un atout ­précieux à plusieurs égards, elle n’est pas un bouclier contre tous les problèmes susceptibles d’affecter le fonctionnement de l’enfant. En effet, pour une minorité d’élèves présentant un haut potentiel intellectuel, leur douance coexiste avec un trouble neurodéveloppemental (par exemple, la dyslexie/dysorthographie, le trouble déficitaire de l’attention, la dyspraxie, etc.) ou un problème affectif (par exemple, de l’anxiété, des comportements d’opposition, des colères, etc.). On parle dans ces rares cas d’un tableau de double exceptionnalité. Ce type de profil est généralement associé à plus de difficultés de fonctionnement, comparativement aux enfants doués qui ne présentent pas de trouble associé. En effet, bien que la douance contribue souvent à diminuer la sévérité du trouble, voire à le masquer, on remarque chez l’enfant doublement exceptionnel plus de difficultés avec la régulation de ses comportements et de ses émotions ainsi que plus de problèmes sur le plan des apprentissages scolaires. De plus, ce sont des enfants qui tendent souvent à être incompris, tant par leurs parents que par le milieu scolaire, et à ne pas recevoir l’aide dont ils auraient besoin, ce qui les freine dans l’actualisation de leur plein potentiel. Dans un tel cas, une évaluation psychologique/neuropsychologique complète devient alors importante pour bien comprendre le fonctionnement cognitif et affectif de l’enfant. Elle permet ensuite de guider la famille et les différents ­intervenants sur les actions à privilégier afin de favoriser le ­bien-être de l’enfant et l’actualisation de ses capacités.

En somme, la douance intellectuelle se présente chez un faible pourcentage de la ­population puisqu’elle se caractérise par des capacités ­intellectuelles hors du commun et un épanouissement généralement positif. C’est donc sur cette base qu’on doit soupçonner sa présence. Si un élève présente plutôt des difficultés de comportement, d’ajustement émotif ou relationnel, mieux vaut orienter la famille vers une évaluation de ces éléments particuliers. Soulever trop rapidement une hypothèse de douance auprès d’une famille peut effectivement mener à des ­préjudices pour l’enfant (difficulté à se ­montrer à la hauteur des attentes, enjeux d’identité et d’estime, mauvaise orientation ou traitement des difficultés, etc.).

L’intérêt grandissant envers le haut potentiel intellectuel au ­Québec est certainement positif et nécessaire pour mieux accompagner les jeunes exceptionnels. L’objectif principal de cet accompagnement est de mieux comprendre leur fonctionnement, de leur offrir tous les outils nécessaires à l’actualisation de leur plein potentiel et d’améliorer leur sentiment de compétence, sans chercher à tout prix à les étiqueter et à les placer dans une case à part. Comprendre la douance et ses manifestations, c’est avant tout offrir à l’enfant la possibilité de mieux se connaître et de s’épanouir dans son quotidien.

­Marie-Josée ­Caron
Ph.D., neuropsychologue pédiatrique

Facebook : editionsmiditrente Instagram : editionsmiditrente

Par ­Marie-Josée ­Caron

À lire aussi