«­Va te calmer dans ta chambre!»

Réflexion

Imaginons, cher parent, qu’après une longue journée de boulot, tu es enfin de retour à la maison. Peu importe les raisons, tu rentres chez toi, épuisé, en colère ou sur le point de pleurer. Afin de te sentir un peu mieux, tu te confies à ton conjoint qui te coupe dans ton élan et t’invite à aller retrouver ta bonne humeur dans ta chambre. Sois honnête, ­ressens-tu des envies de divorce?

Si tu vis avec un partenaire qui ne prend pas le temps de t’écouter lorsque tu as le moral à zéro, et même parfois à moins ­vingt-cinq, je comprendrais que tu fasses tes valises. Je conçois aisément que tu sois à la recherche de quelqu’un de prévenant, de respectueux et qui aime prendre le temps de te consoler lorsque tu en as besoin. Il me semble que c’est ça, une relation saine. Être présent pour l’autre, surtout lorsqu’il est au plus bas.

Lorsqu’un enfant pète les plombs, on trouve ça tout à fait logique et juste de l’envoyer seul retrouver sa bonne humeur dans sa chambre. Pourtant, l’enfant ne naît pas avec cette capacité, et il lui faudra du temps, de la pratique et, surtout, du soutien pour y arriver. Jusqu’à au moins l’âge de sept ans, son cerveau est immature, et le jeune a besoin d’être accompagné.

Lorsque ­Ti-Pou se transforme en ­Hulk affamé, s’il te plaît, ne l’envoie pas se calmer seul dans sa chambre. Sans accompagnement, la crise perdure, et il n’apprend pas. Même si le résultat est là, il faut savoir que les recherches ont prouvé que, ne sachant pas gérer ses émotions, l’enfant n’aura d’autre choix que de les ravaler. ­Au-delà du fait qu’on a besoin de nos émotions pour vivre pleinement en sachant qui l’on est et ce que l’on aime ou pas, empêcher un enfant de les exprimer dans toute la richesse de son intensité diminue ses capacités de mémorisation et de réussite scolaire.

Oui, je te l’accorde, il arrive aussi que ­Ti-Pou fasse des crises «pour rien». Ici, le sens des guillemets prend toute son ­importance. Même s’il est vrai que la grandeur de l’émotion peut sembler parfois exagérée pour la petitesse de la problématique, elle est tout de même vraie et sincère. Quelle mère n’a jamais géré le chaos et accumulé ses propres émotions jusqu’à ce qu’un petit événement ne la fasse exploser? ­Ajoutez à l’équation un syndrome prémenstruel et vous verrez apparaître un joli ­volcan. Je lève la main la première, j’ai déjà pleuré en me retrouvant épuisée devant une tâche ménagère. Et toi?

Alors, qu’en ­est-il de l’enfant fatigué de sa longue journée d’école ou de garderie qui explose lorsqu’il constate qu’il ne boira pas son lait dans son verre rouge préféré? J’y vois drôlement une ressemblance et je me questionne. ­Demandons-nous à nos enfants de mieux gérer leurs émotions qu’on ne sait le faire ­nous-même?

Je ne sais pas pour toi, mais moi, quand je suis «à boutte», rien ne me fait plus de bien qu’un câlin réconfortant et de me sentir aimée, même dans mes moments de noirceur. Il en est de même pour l’enfant qui a besoin de recevoir le message clair qu’on accepte et accueille toutes ses émotions dans leur entièreté, même si elles ne se sont pas encore manifestées de façon jugée adéquate. Pleurer, crier, hurler à m’époumoner, tout cela me fait parfois un si grand bien que je ne peux exiger d’un enfant de retrouver son calme en méditant tel un petit bouddha. Il faut être réaliste!

La prochaine fois que ­Ti-Pou semble possédé, tentons de lui offrir une présence rassurante pendant la crise. ­Créons-lui un contexte sécurisant pour l’accompagner dans le débordement de ses tempêtes intérieures et le développement de ses capacités d’autorégulation. Assurons une présence sécuritaire et réconfortante tout en nommant simplement ses émotions. ­Rappelons-lui que nous serons là, chaque fois qu’il en a besoin. S’il n’a pas envie de parler, soyons simplement là, près de lui. Accompagnons notre enfant comme nous aurions parfois souhaité l’être ­nous-même.

Caroline ­Langevin
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Par Caroline ­Langevin

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