Relations d'opposition

Choisir l'empathie et la sécurité affective

Vous côtoyez un enfant opposant, impulsif, centré sur ses propres besoins et ayant peu d’égard pour les autres ? ­Du moins, c’est ce que vous observez et vivez de l’extérieur. À l’intérieur, ces comportements peuvent prendre racine dans une immaturité des fonctions exécutives.

Les fonctions exécutives
Les fonctions exécutives réfèrent aux capacités du cerveau à gérer efficacement l’information, entre autres : 
• pour réfléchir, c’­est-à-dire pour utiliser sa mémoire de travail, analyser, tirer des conclusions, anticiper, s’ajuster, empêcher ses émotions de ­court-circuiter sa raison ;
• pour s’organiser, et donc gérer son engagement et son énergie, être capable de s’activer et de se retenir au besoin ;
• pour gérer son attention, se concentrer ou décrocher, selon les besoins.

Un enfant dont les fonctions exécutives sont moins développées peut avoir une capacité limitée à apprendre automatiquement de ses erreurs, comme la plupart d’entre nous le font. Les conséquences naturelles ou imposées ne semblent pas générer de prises de conscience ni d’ajustements de comportements, même après plusieurs répétitions. Ceci est exaspérant et incompréhensible pour les adultes qui côtoient l’enfant.

Cet enfant peut aussi avoir une attitude rigide par rapport aux défis quotidiens. Il vit possiblement beaucoup d’inconfort et d’anxiété du fait de ne pas être mentalement capable de solutionner les problèmes qui se présentent. Aussi ­peut-il avoir l’envie bien compréhensible de tout garder le plus simple possible, car son système traite mal les informations et les stimulis. En fait, il ne sait pas trop comment inventer des réponses adaptées sur mesure. Ayant de la difficulté à raisonner, il peut aussi avoir tendance à se jeter tête baissée dans quelque chose qui l’attire. Les arguments rationnels, les avertissements de conséquences futures ou les rappels de conséquences passées trouvent peu d’emprise sur lui, que ce soit pour le faire avancer ou pour le faire ralentir. Bref, ses freins ne s’activent pas au bon moment ni pour les « bonnes » raisons (selon nous, évidemment). Il est donc assez commun que l’immaturité des fonctions exécutives s’accompagne de difficultés de régulation émotionnelle, car tout est difficile et inconfortable.

Une question de dosage
On pourrait dire qu’un enfant qui clame ses envies haut et fort présente un beau potentiel de détermination… qui deviendra utile si canalisé vers la réalisation et quand cela ne sera plus au point de devenir égotique ou en opposition aux besoins des autres. Pour arriver à optimiser cet équilibre, il sera plus facile et motivant d’encourager les qualités à grandir que de tenter d’extirper les réflexes d’opposition. L’enfant ne saura pas aisément arrêter ce qui lui vient naturellement. Sa réponse automatique devra être complétée et tempérée par l’ajout de réponses supplémentaires. Par exemple, l’encourager à nommer son émotion, faire une demande claire, prêter attention à l’émotion d’autrui, faire des propositions. De plus, pour ne garder que le beau côté de sa détermination et qu’il soit ouvert à apprendre, on doit l’aider à sortir de la partie défensive de son attitude. Pour qu’un enfant rigide, combatif ou évitant ait envie de rencontrer les autres et la vie de façon positive et avec plus de flexibilité, il doit être sécurisé. Or, la sécurité vient avant tout de la confiance et de l’attachement.

Construire les bases du bonheur ensemble
L’objectif que je vous propose de viser n’est pas de faire d’un enfant opposant un enfant « obéissant » pour que cela devienne plus facile à vivre. Je vous propose de viser à intéresser l’enfant à devenir une personne collaborative, en commençant dans votre lien ensemble. Cela peut sembler bien ambitieux avec un enfant qui a spécifiquement de la difficulté à être simplement courtois ! ­Et cela ramène la majeure partie du travail dans votre propre assiette d’adulte. Alors, pourquoi viser aussi large ? ­Parce qu’il est beaucoup plus propice au bonheur d’apprendre à être une personne vraie, entière, communicative et capable d’être proche des autres que d’être une personne qui a appris à ravaler toute seule son tourbillon émotionnel pour bien se tenir et être aimée. Vous pouvez tenter d’enseigner « de l’extérieur » en répétant à un enfant quoi faire et quoi ne pas faire. Vous pouvez aussi tenter l’aventure d’entrer en relation intersubjective avec lui, de créer un lien affectif et pédagogique plein de respect, d’attention et de curiosité, à partir duquel vous expérimentez ensemble comment passer positivement à travers ce que l’on verra non plus comme « ses » oppositions mais comme « vos » conflits. Comment vous choisissez d’enseigner déterminera non seulement ce que l’enfant apprendra à faire, mais à être.

En essayant de vivre avec lui une connexion sécure ­MÊME à travers les conflits, vous ferez pousser ensemble les racines de sa capacité d’engagement avec les autres. Votre propre intelligence émotionnelle en sera approfondie. Comme adulte, cette approche vous demandera de l’introspection, de l’humilité et de la curiosité. Mais les fruits de votre travail seront beaucoup plus juteux que si vous vous limitez à la discipline ou aux explications. Derrière chaque opposition se cache une petite personne coincée qui souhaite que vous la compreniez exactement là où elle est. C’est quand vous l’aurez rejointe qu’elle pourra vous prendre la main pour avancer !

Marianne Dufour
Art-thérapeute et psychothérapeute
Marianne est l’auteure du Guide d’accompagnement pour apprivoiser son lion et de Marco Tête-de-bouc et les rails rouges, tous deux parus aux Éditions Midi trente. Dans ses livres comme dans son travail, elle s’intéresse à la parentalité positive et à l’importance primordiale des relations pour le développement humain.
Les Éditions Midi trente publient des livres pratiques et des outils d’intervention sympathiques permettant de surmonter les difficultés et de stimuler le potentiel des enfants et des adolescents.
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Marianne Dufour

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