La matrescence, le secret le mieux gardé de la maternité

Moi

La quoi ? C’est un peu la réaction que nous avons lorsqu'on entend ce mot pour la première fois. Bien que ce ne soit pas nouveau comme concept, la Matrescence mérite qu'on la démystifie. Mais commençons par le commencement…

Le mot de MAMAN
Après avoir longtemps porté le désir d’être maman, je le suis devenue pour la première fois en mai 2016. Je ne savais pas encore que j’allais devenir une maman de trois enfants, deux ans plus tard. Si vous calculez bien, il y en a donc deux qui sont venus d’un coup… mais ça, c’est une autre histoire. J’étais prête à aimer inconditionnellement, à ne pas dormir, à chambouler mon horaire… bref, prête à être maman !

Une fois mon beau bébé en santé au creux de mes bras, je crois bien avoir eu un flashback de toutes les fois où ma mère m’a balancé un : « Tu comprendras quand tu seras maman ». Oh, que je n’étais pas prête ! Pas prête à ne pas avoir les réponses à mes questions, pas prête à ne plus avoir de temps en amoureux, pas prête à vivre des conflits dans mes amitiés en raison de pratiques parentales différentes, pas prête à être au comble du bonheur un matin et dans un torrent de larmes le soir même… Pire encore, je n’étais pas prête à faire le constat que je n’aimais pas TOUT de la maternité ! Je me sentais seule dans mes réflexions. Comment se faisait-il que chaque femme autour de moi avait l’air d’aimer être mère et que je trouvais le temps parfois long… et parfois même difficile. Pourtant, j’aimais (et j’aime toujours) mon bébé plus que tout !

Quand j’ai compris que la maternité était une transition — différemment vécue par chaque maman — à travers laquelle nous avions le droit de nous laisser du temps pour trouver de nouveaux repères, je ne vous dis pas le bien que ça m’a fait !

Mes enfants ont maintenant cinq ans et trois ans (fois deux, on se rappelle), et tout est beaucoup plus doux. Je commence à trouver MON équilibre entre les différentes sphères de ma vie pour que ma maternité soit plus à mon image. Je commence à prendre confiance en mes compétences parentales. Mais, surtout, je sais maintenant que je vivrai d’autres moments d’incertitudes dans ma maternité, et que ça fait partie du jeu. J’apprends à surfer sur la vague, et ce n’est pas plate du tout.

Jessika

Le mot de la PSY
À la fin des années 1960, Dana Louise Raphael, une anthropologue américaine, s’est intéressée au soutien offert aux femmes au cours de leurs transitions dans la maternité. Elle soulignait, par exemple, la pertinence d’inclure dans le processus d’accouchement une personne présente pour défendre et accompagner les mamans d’une manière non médicale. En effet, si, généralement, accoucher était synonyme de donner naissance au bébé, offrir une voix à la femme permettait de mettre en lumière la naissance d’une mère.

Accoucher ne fait pas automatiquement d’une femme une mère. Il faut du temps à une femme pour devenir mère. La maternité est un processus, une transition, une étape de vie. C’est une matrescence. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

C’est la contraction entre les mots maternité et adolescence. Il est reconnu que la période de l’adolescence est une transition chargée physiquement, psychologiquement, émotionnellement, socialement, identitairement, sexuellement, et hormonalement, non ? C’est pour cette raison que la société offre aux adolescents du soutien particulier et adapté à leurs besoins. De cette façon, ils peuvent tenter de traverser cette période pleine de chamboulements avec le plus de douceur possible. Même si la maternité est également une transition chargée sur tous ces plans, le soutien social est beaucoup moindre. Non seulement les mamans sont laissées à elles-mêmes, mais elles ressentent trop souvent une pression, celle de correspondre au modèle de la mère parfaite qui garde le contrôle sur ses émotions.

Cette pression d’accueillir, d’intégrer et de comprendre rapidement ce nouveau rôle fait bien souvent ressentir un sentiment d’anormalité, de culpabilité et de doute à plusieurs mamans lorsqu’elles ont l’impression de ne pas y arriver. Et si on répétait dans notre société que cette transition peut les chambouler sans pour autant être synonyme de pathologie ou d’un faible degré d’amour envers le bébé ? Les doutes, l’ajustement, les déchirements et l’ambivalence sont normaux, mais, malheureusement, trop peu abordés. Dans ce contexte, il est doublement difficile pour les mères de ne pas se juger ou se voir comme étant anormales. Elles peuvent alors éprouver de la honte et s’isoler davantage. En effet, quand nous n’arrivons pas à identifier et nommer ce que nous ressentons, il est plus difficile de s’ouvrir à l’autre pour demander du soutien au besoin.

Nommer la matrescence dans notre société est primordial. Cela change la façon de voir les mères et de les soutenir. Par exemple, en privilégiant l’accès aux ressources psychologiques et sociales pour les mamans au-delà des premières semaines et des premiers mois de vie du bébé. Chacun a son rôle à jouer pour accompagner les femmes dans cette transition, qui peut être plus ou moins difficile, mais, dans tous les cas, il faut y voir une occasion enrichissante de se découvrir comme mère. Comprendre la matrescence permet d’enfin arrêter d’attendre des mères qu’elles persévèrent seules, qu’elles luttent face à leur maternité et qu’elles se cachent derrière leurs sourires. Comprendre la matrescence leur donne plutôt la permission de se faire entendre de leur entourage sans jugement ainsi que de nommer leurs besoins et leurs désirs qui sont changeants.

La maternité transforme. La matrescence est un symbole de résilience, de force et d’évolution. Oui, c’est vrai, les mamans, vous êtes fortes, résilientes, et en plein processus d’évolution vers votre transformation.

Lory

Biographie
Ça va maman ? est une plateforme qui traite de santé mentale parentale. Leur mission est de briser l’isolement, de normaliser les défis de la parentalité et de redonner confiance aux parents en leurs compétences par le biais des réseaux sociaux, balados, conférences et programmes d’accompagnement.

ÇA VA MAMAN ?
www.cavamaman.com

Par ­Jessika ­Brazeau et ­Lory ­Zephyr

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